De nouveau, Les éditions Les Escales nous proposent un très bon livre, ici écrit par Beate Teresa Hanika, une auteure qui jusqu'à présent s’était fait remarquer pour ses romans jeunesse. Elle se lance dans les romans adultes et on doit bien constater que son dernier livre, Le goût sucré des souvenirs est une belle réussite, à l’image la couverture, particulièrement soignée.
Le goût sucré des souvenirs est l’histoire d’une vieille dame, Elisabetta Shapiro qui vit seule dans sa maison familiale de Vienne. De son enfance, elle a conservé des multiples pots de confiture d’abricot, tous fabriqués par sa mère. Cette confiture sucrée la replonge systématiquement dans ses souvenirs. Ses pots sont étiquetés par année. Quand elle en ouvre un, les souvenirs lui reviennent, elle replonge dans son passé de jeune fille juive sous la Vienne nazie : son quotidien d’abord faste et luxueux, ses grandes sœurs qu’elle jalousait secrètement, sa tortue Hitler qui déambule dans la maison et le jardin la voix de sa mère quand elle chantait puis l’arrestation de toute sa famille par les SS, la solitude et la perte de repères.
Son père était médecin, sa mère chanteuse d’opérette, ses sœurs bien plus âgées (elle parle aux fantômes de ses sœurs dans le livre) qu’elle quand la gestapo est venue les chercher. Elle a échappé à cette rafle et elle se sent coupable de ne pas avoir été avec sa famille. Un passage du livre nous raconte d’ailleurs que quelques jours après la rafle de ses parents, elle s’est rendue avec sa valise dans un poste de police pour raconter que sa famille avait été prise par la gestapo et qu’ils l’avaient oubliée ! Elle ne dut son salut qu’à l’humanité de celui qu’elle avait face à elle qui lui dit de partir avec sa valise.
Dans sa maison viennoise, où elle continue de faire des confitures d’abricot, Elisabetta accueille Pola, une danseuse qui elle aussi a des secrets à cacher à Elisabetta. Très vite, les habitudes de la vieille femme vont se retrouver chamboulées. Pola lutta aussi contre ses propres démons. Sans trop raconter le livre dans ses détails, Pola a un lien avec la petite fille d’Elisabetta et des choses à se reprocher (à cause de sa famille et de son frère) concernant la fille de la vieille dame. Les souvenirs des deux femmes vont alors s’entremêler, dessinant un second drame. Pola va avoir besoin de la vieille dame et de son pardon pour se reconstruire.
Elles vont alors, malgré leurs différences, se rapprocher peu à peu et nouer des liens plus forts qu’elles ne l’auraient imaginé.
Le goût sucré des souvenirs est un roman émouvant dans lequel deux femmes, accablées par la culpabilité vont tenter ensemble d’obtenir la rédemption. L’écriture de l’auteur est très belle, l’histoire extrêmement réaliste, on pourrait même avoir un doute sur son caractère fictionnelle tant elle sonne juste. |