Né le 25 août 1918 aux États-Unis dans le Massachusetts, Leonard Bernstein est une figure musicale majeure du XXème siècle. Compositeur, chef d’orchestre, pianiste, pédagogue, écrivain et animateur de télévision (il profitera de sa popularité pour y promouvoir toutes les musiques). Il fait partie du patrimoine musical américain au même titre que Aaron Copland, George Gershwin, John Cage, Steve Reich, Philip Glass, Charles Ives, Elliott Carter...
Mass est une œuvre absolument unique, nécessitant par exemple plus de deux cents artistes sur scène. C’est une œuvre inclassable, autant acclamée que détestée par les critiques, commandée en 1971 par Jackie Kennedy en hommage à son mari John F. Kennedy, premier président américain catholique, pour l’inauguration du Kennedy Center for the Arts de Washington.
Cette pièce n’est pas vraiment une messe à proprement parler, en tout cas dans le sens normatif musical. Ou peut-être que les messes modernes devraient ressembler à cette œuvre incroyable aussi singulière que riche. On se situe donc plutôt quelque part entre l’oratorio et la comédie musicale. On y retrouve toutes les esthétiques chères à Bernstein (classique, jazz, blues, rock, comédie musicale, fanfare, gospel, expressionnisme...). Cet éclectisme qui le caractérisait tant. Comme une combinaison entre musique liturgique et profane, entre musique sérieuse et musique plus à spectacle (ces deux termes étant à prendre naturellement avec d’énormes pincettes) dans un mélange des genres très étonnant mais fonctionnant à merveille. Il ne conçoit aucune hiérarchie entre les genres musicaux. D'ailleurs, les nombreuses émissions qu'il anime pour la télévision entre les années 1950 et 1970 abordent toutes les musiques, des symphonies de Mahler aux tubes rock'n'roll.
C’est une œuvre transgenre, ce que le compositeur a toujours cherché à réaliser, parfois au détriment de l’écriture. Elle est totalement ancrée dans les années 70 avec un mélange de diverses influences et son message pacifiste (face à la guerre au Vietnam) toujours d’actualité, avec un grand aspect théâtral, ce que Yannick Nézet-Séguin a très bien compris. Leonard Bernstein a mis beaucoup de lui dans cette œuvre. Il fait bien plus qu’y dissimuler ses engagements. Le message de paix contre la guerre Vietnam en filigrane dans Mass passe moyennement auprès du président Nixon qui (boycottera) déclinera son invitation à la première pensant (à tort ou à raison) y trouver des messages codés de propagande anti-gouvernementale. Surtout qu’il y a déjà un précédent. En pleine guerre froide, l’engagement humaniste et l’ouverture (politique, sexuelle) de Bernstein alarment les services de renseignement intérieur. En pleine chasse aux sorcières au début des années 50, le nom du compositeur apparaît même dans une liste officielle du F.B.I comme ayant des accointances avec une organisation communiste. Réponse du berger à la bergère, son opérette Candide est une dénonciation à peine voilée du Maccarthysme.
Si l’on retrouve dans Mass un message politique, la foi, la croyance en dieu sont également très présent. Bernstein interroge, s’interroge sur la foi personnelle, avec un message œcuménique fort, sur le vivre ensemble dans le respect de ses propres croyances. Lui le compositeur juif, face à un questionnement, une forme musicale catholique. Le texte de la liturgie catholique romaine est entrecoupé de prières hébraïques, de parties en Anglais sur la difficulté de maintenir sa foi en dieu.
Sans toucher au sublime de la version de la version Sony dirigée par Bernstein avec Alan Titus et enregistrée quelques jours après la création et quasiment introuvable en disque, cette version est nettement plus enthousiasmante que celle absolument désastreuse de Kent Nagano avec Jerry Hadley et le Deutsches Symphonie-Orchester. A posséder donc.... |