Le Centre Pompidou propose une exposition d'une très grande richesse rassemblant des peintures, des photos, des dessins, des sculptures-objets et des carnets de croquis de Hans Bellmer, peintre et dessinateur d'origine allemande qui vécut à Paris et fut grandement associé au mouvement surréaliste.
Lumière diffuse, tamisée, clair-obscur dans ce labyrinthe gris et fushia de courbes et de recoins, la scénographie s'organise en circonvolutions cérébrales adaptées aux formats réduits de l'oeuvre et à l'immersion dans l'univers d'Hans Bellmer. Au détour d'une salle, l'autoportrait de Hans Bellmer, apparition fantomatique surgie du néant vitreux d'une matrice universelle, à la fois sublime, évident et terrifiant, saisit l'âme en ce qu'elle montre un homme qui créa une oeuvre singulière, totalement atypique et personnelle.
Passionné par la psychanalyse, auteur d'une " Petite anatomie de l'inconscient physique ou l'anatomie de l'image" (à laquelle renvoie d'ailleurs le titre de l'exposition), Hans Bellmer a une personnalité obsessionnelle tournée vers les pulsions essentielles de l'être humain l'infernal couple Eros-Thanatos. Plus que le corps en tant que sujet c'est le corps en tant qu'objet des pulsions de vie et de mort qui l'obsède.
Et cette exploration artistique est aussi le fruit de ses propres expériences, sexe, alcool et cocaïne, et de sa vie avec Unica Zürn, graphiste atteinte de troubles psychiatriques graves.
En 1933, Hans Bellmer fabrique une poupée articulée en bois, papier mâché et matériaux divers, qu'il considère être une "fille artificielle aux possibilités anatomiques capables de rephysiologiser les vertiges de la pensée jusqu'à inventer des désirs", dont le concept qui deviendra la l'objet emblématique de son oeuvre jusqu'en 1948.
D'entrée, la section "Les jeux de la poupée" installe le visiteur dans cette "étrangeté inquiétante" qui caractérise toute l'oeuvre de Bellmer : images fortes, violentes, habitées qualifiées de subversives et toujours dérangeantes.
La première version sera le sujet de maintes photos destinées à l'édition dont la première "Die Puppe"en comporte 10.
La seconde poupée avec des articulations en boules, à la manière des mannequins en bois pour peintres, donnera lieu à une second volet de photos "La Poupée seconde partie" puis à une troisième édition enrichie des textes de Paul Eluard et de photos coloriées à la main qui paraîtra en 1949.
Objet symbolique et érotique, la poupée est rarement représentée dans son intégrité. Elle est démembrée, torturée, monstrueuse, ligotée, décapitée, et mise en scène elle matérialise tous les désirs, toutes les perversions, tous les fantasmes et toutes les sublimations. Contextualisée, elle est photographiée dans un environnement familier qui renforce l'impression d'inquiétante étrangeté de l'image.
Ainsi la poupée concentrait à la fois les possibilités plastiques de l'objet qu'elle est, les implications esthétiques qu'elle signifie et les représentations mentales qu'elle concrétise.
C'est sans aucun doute la partie de son oeuvre qui est la plus connue. Mais Hans Bellmer est également un peintre et un dessinateur fulgurant tant par le trait que par l'inspiration.
Egalement sont présentés de nombreux de dessins, gouaches, peintures, découpages, croquis qui représentent d'étranges et fantasmagoriques personnages, sorte de métamorphoses du corps qui tend à l'hermaphrodisme et qui visitent les profondeurs de l'inconscient.
La même esthétique raffinée et violente se retrouve dans ses dessins dont le trait fin, minutieux et sinueux serpente sur la feuille et ne représente pas qu'une figure, un objet ou un paysage mais une histoire à déchifrrer. Un rêve, un fantasme, une pulsion du désir qui s'inscrivent dans une recherche fondamentale, à travers le retour à l'eden primal, la question ultime : l'origine de la vie.
Car tout comme la poupée, qui n'est pas qu'une représentation féminine mais aussi un jouet qui renvoie vers l'enfance où la vie et la mort ne sont pas contradictoires, les dessins de Bellmer font référence à la non différenciation sexuelle de l'enfant.
En 1927, Hans Bellmer reçoit une caisse expédiée par sa mère contenant ses jouets d'enfant. Il dira plus tard : "J'éprouvai alors le sentiment atroce d'avoir perdu ma vie depuis l'âge de raison." |