Spectacle d'après l'oeuvre de Jean Racine, mise en scène de Laurent Bazin, avec Émilie Blon Metzinger, Adelaïde Bon, Damien Houssier, Fréderic Jeannot et Céline Toutain.
Dans "Britannicus", Racine aborde la puissance destructrice des passions notamment celle de l'amour non partagé qui va révéler la nature monstrueuse de Néron, enfant docile et soumis, instrumentalisé par une mère possessive, ambitieuse et fin stratège et canalisé par un précepteur vertueux, qui se transforme en tyran sadique.
Esclave assujetti à l'amour possessif de sa mère puis à l'amour insatisfait pour Junie, il écarte sa mère du pouvoir comme de son intimité et tue son rival politique et amoureux. La machine furieuse est en marche.
Avec "Britannicus, plans rapprochés", Laurent Bazin propose non pas tant une relecture contemporaine de la tragédie racinienne qu'une approche focale qui s'inscrit dans le mode d'interprétation, par le mythe psycho-sexuel, devenu classique de cette oeuvre qui déshistoricise la pièce.
En effet, il indique clairement dans sa note d'intention avoir soumis la dramaturgie au prisme de la relation mère-fils pour "explorer le spectre des sentiments que suscite cet amour maternel dévorant, du sourire à l'effroi tragique", et la démonstration est intelligente, brillante et réussie.
Tout se joue sous des lumières crépusculaires dans un décor d'antichambre à peine suggéré, entre palais et bunker, qui mène à la chambre de Néron, à la fois antre du monstre en devenir, mausolée du pervers mélancolique et autel consacré à un amour fantasmatique dont le corps est morcelé en gros plans photographiques. Car Laurent Bazin, fasciné par la camera obscura, l'identité profonde de l'homme derrière la part d'ombre, voit en Néron "un voyeur sublime".
Laurent Bazin orchestre un beau travail des corps et des âmes, et surtout des voix, du murmure au cri, et assure également une belle direction d'acteur avec de jeunes comédiens qui déjouent les pièges de l'art déclamatoire.
La confrontation mère-fils est magnifiquement portée et dispensée par Céline Toutain, au jeu sobre d'une violence sourde, terrassée par la déliquescence de leur relation alors même qu'elle est consciente de son inexorable irréversibilité et Damien Houssier, qui excelle dans dans l'interprétation des personnages fiévreux et furieux, évite le monolithisme réducteur en restituant parfaitement les conflits internes du personnage.
A leurs côtés, Adélaïde Bon frémissante Junie, Frédéric Jeannot dans le rôle de l'infortuné Britannicus et Emilie Blon Metzinger, qui incarne avec une parfaite maîtrise le duo janusien qui entoure l'empereur.
Une distribution judicieuse et une troupe solide pour un spectacle d'un remarquable classicisme qui s'inscrit dans une modernité intemporelle. |