Comédie satirique de Jacques Audiberti, mise en scène de Stéphanie Tesson, avec Antony Cochin, Emmanuel Suarez, Mathias Maréchal, Jean-Paul Farré, Didier Sauvegrain, Marcel Maréchal, Julie Delarme et Josiane Lévêque.
Dans un 18ème siècle de livre d'images, la jeune princesse d'un pauvre royaume microscopique de troisième ordre, qui se fait fort d'avoir le coeur pur et de mener une vie limpide, a pris la route qui doit la mener au mariage aussi flatteur qu'idéal avec l'héritier du trône d'Occident.
Mais la vie n'est pas une promenade enchantée dans un parc à thème étasunien et tout commence par une imposture menée par un galant qui usurpe l'identité du prince et cueille sa fleur, premier faux pas qui va mener à la perte aussi totale que douloureuse non seulement de son innocence mais également de sa confiance en l'humanité. Et elle apprendra vite.
Créé en 1947, au Théâtre de Poche-Montparnasse, "Le mal court", ou comment le monde dénature les jeunes filles, de Jacques Audiberti y revient pour la réouverture du lieu en 2013, après travaux et changement de direction, désormais assurée par le journaliste, éditorialiste et critique Philippe Tesson, et dans une mise en scène réussie de Stéphanie Tesson.
Mêlant d'une plume aussi fine et intelligente que savoureuse les registres de la fantaisie, du lyrisme et du conte moral, la partition à rebondissements aussi délicieuse qu'édifiante est portée par une distribution solide composée de comédiens aguerris que Stéphanie Tesson soumet à une direction imparable pour éviter tout numéro d'acteur et tenir le registre qu'elle a choisi qui tient toujours sur le fil de la farce et de la comédie philosophique.
D'un côté les suppôts du pouvoir avec un lieutenant aux ordres, Anthony Cochin, une gouvernante trop roucoulante pour être honnête bien campée par Josiane Lévêque, les Maréchal père et fils, Marcel Maréchal en flamboyant roi d'opéra bouffe et Mathias Maréchal en bel héros de cape et d'épée, et le glaive et le goupillon avec Jean-Paul Farré en succulent maréchal courtisan et Didier Sauvegrain, en méphistophélétique cardinal de la Rosette à la face constellée de verrues.
Les tendrons dindons de la farce sont délicieux. Emmanuel Suarez, pourpoint bleu layette gansé d'argent, perruque platine et physique de prince charmant dysneysien, incarne le prince timide avec une grâce aussi drôle qu'exquise.
Quant à Julie Delarme, physique, charme et voix juvéniles en parfaite adéquation avec l'emploi et son rôle de pétulante ingénue, elle séduit immédiatement et tient magistralement la scène sans discontinuer durant les trois actes, véritable épine dorsale de la partition à laquelle elle apporte une crédibilité sans faille et autour de laquelle se calent tous les autres personnages, bien servis en terme d'interprétation.
Tout dans son jeu sans affectation, de la diction au sens des nuances, appelle la louange. Incontestablement la révélation de ce spectacle avec ce moment de grâce qu'est la fusion d'un personnage et d'une comédienne. |