Réalisé par Duccio Chiarini. Italie. Comédie. 1h26 (Sortie le 17 juin 2015). Avec Matteo Creatini, Franscesca Agostini, Nicola Nocchi, Mariana Raschillà, Bianca Ceravolo, Bianca Nappi, Michele Crestacciet Francesco Acquaroli.
Duccio Chiarini a placé son premier long-métrage sous le signe de la fraîcheur. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que cela paraît d'une originalité folle.
Totalement dénué de valeur sociologique, ne cherchant pas à donner à voir la vérité statistique des adolescents de 17 ans, "L'éveil d'Edoardo" est un film qui a le charme de l'anecdote et la prétention de la traiter comme il l'entend, c'est-à-dire sans en faire un drame et avec le plus de légèreté possible.
Avec son physique de grand ado bouclé au grand nez, Edoardo fait du vélo et va à la pêche. Son copain Arturo est porté sur la chose, au moins en paroles. Edoardo, lui, porte un lourd secret question zizi, un lourd secret qui se soigne en quelques secondes, et au prix du prépuce, mais qu'il lui aura fallu des années pour régler.
"L'éveil d'Edoardo" est le récit mi-Nanni Morreti mi-Philip Roth de ce moment où tout va basculer pour lui, où le décalotage de son gland va libérer sa parole et changer sa vie.
"L'éveil d'Edoardo" de Duccio Chiarini a une qualité première rare : il rend crédible ses idées saugrenues. Alors que dans la première scène, toute la petite famille d'Edoardo inspecte minutieusement sa verge de tout petit garçon et constate qu'il y a une fine peau qui en rend l'usage difficile, on comprend en voyant vivre toute cette tribu un peu barrée qu'elle ait cru le problème réglé tout seul.
Et pourtant, Edoardo va le traîner quinze ans de plus. Le film commence au moment où cela est train de prendre une nouvelle dimension et où il faut faire quelque chose, notamment parce que Bianca, comme tous les ans, vient passer ses vacances dans la maison d'en face. Et puis le prénom Bianca rappelle sacrément l'un des meilleurs films de Moretti et on ne peut qu'en être amoureux.
Si Duccio Charini traite avec beaucoup de tact le problème de son héros, cela ne l'empêche pas d'enfoncer souvent le couteau dans cette plaie. Il y aura donc quelques figures "rothiennes" à la clé, dont une jolie scène avec une prostituée compatissante à cent cinquante euros la non-passe, et cerise visqueuse sur le gâteau, une scène de "poulpe" qui restera certainement anthologique.
Duccio Charini nourrit son récit grâce à une description très réussie de la famille d'Edoardo, avec crise de la quarantaine pour son père, et début d'adolescence par sa petite sœur, très intéressée par la sexualité... de son chien à qui elle souhaite accoupler avec la partenaire idéale.
Si l'on cherchait des équivalents à "L'éveil d'Edoardo" de Duccio Charini, on pourrait aller voir du côté du cinéma de Thomas Bardinet qui décrit lui aussi des adolescences buissonnières, où rêver, pédaler et pêcher vont de mise.
Bref, on se sent bien en compagnie d'Edoardo et de son petit complexe qu'un médecin saura très efficacement circoncire. On aimera aussi toute la galerie de personnages qui l'entourent, en particulier ses deux petites amoureuses, Bianca et Elisabetta, très différentes mais tous deux émouvantes dans leur tendresse pour leur grand gars timide.
"L'éveil d'Edoardo" de Duccio Charini restera comme un un joli film intemporel des années 2010, qui aura prouvé que l'on peut toujours parler de l'adolescence sans la surcharger d’éléments de modernité. Dans l'univers d'Edoardo, prêter un livre que l'on aime à une jeune fille que l'on désire conserve plus d'importance que de passer un SMS.
On suppose que le film de Duccio Charini comporte une grosse part autobiographique et l'on rêve des prochains épisodes de la vie d'Edoardo, en espérant revoir Matteo Crespini, qui a l'instar de tous les comédiens choisis, est formidable.
"L'éveil d'Edoardo" de Duccio Charini est un film parfait pour un été parfait... |