Monologue performatif d'après les écrits éponyme de Etty Hillesum dit par Roxane Borgna dans une mise en scène de Jean-Claude Fall.
Avec "Une vie bouleversée", et après "Belle du seigneur", la comédienne Roxane Borgna se livre à une nouvelle proposition risquée, également mise en scène par Jean-Claude Fall, qui, toutefois, en l'occurrence, ne tient pas tant à la transposition d'une oeuvre littéraire emblématique, qu'au parti-pris formel.
En effet, pour évoquer la quête existentielle et spirituelle qui a conduit Etty Hillesum, née en 1914 dans le milieu de l'intelligentsia juive néerlandaise, personnalité bipolaire atteinte de masochisme moral, la souffrance confortant le sentiment d’existence, mystique, et missionnaire de l'amour universel, à s'engager volontairement sur le chemin de l'Holocauste en travaillant pour le Conseil juif du camp de regroupement et de transit de Westerbork avant d'être déportée à Auschwitz où elle meurt en 1943, elle a opté pour le registre de la performance.
Dans une scénographie consistant en une création vidéo du vidéaste du Laurent Rojol qui décline toutes les potentialités des logiciels d'animation graphique et typographique, dont images aux couleurs saturées, randomisation psychédélique, incrustation de textes, défilé de chiffres à la Matrix et effet de lettres qui tombent, et avec une interprétation qui alterne récitatif et profération et inclut intermèdes chantés ou dansés, le parcours intime de Etty Hillsemum se mue en catharsis spectaculaire délivrée par un personnage de performeuse hard rock. Une novation radicale qui peut décontenancer les spectateurs et, certainement les divisera.
Avec une interprétation engagée qui alterne récitatif et profération, la voix relayée par micro HF et une partition qui inclut intermèdes chantés et dansés, Roxane Borgna a choisi de s'écarter du monologue théâtral classique et du champ de l'incarnation pour adopter les tropismes de la jeune scène contemporaine.
Sous la direction de Jean-Claude Fall, elle remplit parfaitement son cahier des charges imposant un format court, une heure, pas une seconde de plus, inéluctablement sanctionnée par un noir commandé par l'extinction du compte à rebours numérique affiché sur le drap-écran, tel un "requiescat in pace" pour Etty Hillesum. |