Spectacle conçu et mis en scène par Emma Dante, avec Elena Borgogni, Sandro Maria Campagna, Viola Carinci, Italia Carroccio, Davide Celona, Sabino Civilleri, Roberto Galbo, Carmine Maringola, Ivano Picciallo, Leonarda Saffi, Daniele Savarino, Stéphanie Taillandier, Emilia Verginelli et Marta Zollet.
La dramaturge et metteuse en scène sicilenne Emma Dante immerge la troupe de sa Compagnia Sud Costa Occidentale, dans un plateau vide, black cube transformé en boîte de laboratoire comme pour une expérimentation éthologique.
Quatorze comédiens ou danseurs, tels des animaux - mais ne sont-ils pas des "bêtes de scène" - se retrouvent pour une séance d'échauffement et pratiquent à l'identique, avant de se dévêtir jusqu'à la nudité originelle, les mêmes exercices qui les emportent dans une transe cinétique.
Cette approche formelle, qui puise dans la technique expressive préconisée par le dramaturge russe d'avant-garde Vsevolod Emilievitch Meyerhold basée sur la biomécanique du corps, évoque celle d'un groupe de danseurs, entre la ronde primale des danseurs nus du tableau "Danse" de Matisse et les flux de mouvements qui caractérisent l'essence de la danse telle que théorisée par Lucinda Childs notamment dans son ballet "Dance".
Plus encore, la mise en résonance avec le domaine chorégraphique s'impose dès lors que le rythme constitue un des fondamentaux de la réflexion théâtrale de Emma Dante et que "Bestie di scena" s'inscrit dans le même registre que la pièce-manifeste "Tragédie" créée en 2012 par le chorégraphe Olivier Dubois.
Emma Dante a donc élaboré ce qu'elle nomme un "pressurage de théâtre" dépourvu de tout, même de texte et d'histoire, "un zéro absolu qui doit faire face au vide de l’existence" qui explore l'essence de l'acteur telle qu'elle la conçoit.
Sont ainsi brassés, entre autres, les thématiques de l'acte sacrificiel de l'acteur et de la micro-communauté que forment les acteurs sur scène, un groupe d'imbéciles, selon Emma Dante, qui déposent au sol leurs vêtements comme dans un geste d'offrande au public et de renonciation absolue, à tout sentiment de honte et tout jugement, avec celle de l'évolution à rebours, de l'homme au singe jusqu'à la désolation.
Et la nudité, celle de la naissance et du temps des origines, s'accompagne d'une innocence mentale de laquelle se joue un "deus ex machina" invisible en les soumettant à des épreuves cognitives à partir d'objets tombés du ciel qui se développent en tableaux aussi graves que cocasses.
Le spectateur se trouve également immergé dans cette performance chorale menée par des officiants investis par laquelle Emma Dante, qui se dit taiseuse, ne tend pas à réinterpréter le monde mais à percevoir l'homme dans sa contemporanéité saturée d'images et de bruits.
Evidemment point de demi-mesure entre laudateurs et détracteurs. |