Le premier album du groupe français Kami surprend par son immédiateté, par l’évidence pop de chacun des onze titres qui le constituent. On peut laisser de côté les possibles influences du groupe pour ne s’occuper que de cet impact mélodique qui crée de la dimension, du souffle, un appel d’air. Escape Lanes fait partie des albums qui dès la première écoute apparaissent directement dans leur totalité, sans retenue. Mais ce caractère direct ne signifie pas que les chansons sont faciles d’écoute, juste qu’elles n’imposent aucune résistance. A prendre ou à laisser, l’alternative est bien là.
Essayons de décrire le disque selon une vue d’ensemble : la progression mélodique générale − canal central évoluant à chaque morceau − se double en réalité d’un climat inquiétant : évidence que l’on perçoit dès la première écoute. Par exemple le titre "The Next, The Last" présente une certaine dureté en regard de l’ensemble : la voix semble scander un rap lent selon une structure en boucle ; et les guitares ponctuent ce martèlement suivant un rythme pareillement obsédant : au milieu du morceau elles atteignent une ampleur proche du lyrisme.
Tout l’album de Kami est axé sur ce double contraste en clair - obscur dont la frontière est indiscernable. D’une part se pose la mélodie claire, quoique d’une froideur presque métallique ("Around Me" à ce propos constitue le point culminant du disque) ; et d’autre part un arrière-plan sombre traverse l’espace musical selon une ligne brisée. Ces deux modes peuvent aussi évoluer indépendamment l’un de l’autre.
"Everything Is Changing" et "The End This Night", les deux plus beaux morceaux de l’album, confirment le schéma précédant. Rien d’innocent ni de facile dans ces chansons adultes, dont la lenteur générale annonce la maturité, donc la profondeur du disque.
Que pouvons-nous souhaiter alors de meilleur pour ce groupe ?
Qu’il maintienne le programme énoncé par le titre de ce disque Escape Lanes : fuir, toujours fuir, mais pas seulement pour échapper d’une manière ou d’une autre aux contraintes de l’industrie du disque, et aux trajets systématiques que celle-ci impose ; non surtout fuir sur place, c’est-à-dire prendre des raccourcis ; s’inventer des chemins de traverse ; tordre la mélodie tout en donnant l’impression (fausse) de jouer de la pop.
On est en droit d’espérer que Kami, sur scène comme sur un prochain disque, oriente l’instrumentation selon un mode plus expérimental, versant post-rock par exemple, mais pas nécessairement. Juste un écart, une audace, pour se débarrasser de certaines résonances pop qui réduisent sensiblement la dynamique de cet engagement musical. Mais il ne s’agit bien sûr que d’une proposition, qui n’exclut pas une grande confiance à l’endroit de l’avenir du groupe. |