Comédie dramatique écrite et mise en scène par Carole Thibaut, avec Marion Barché, Thierry Bosc, Eddie Chignara, Sophie Daull, Emmanuelle Grangé, Donatien Guillot, Fanny Santer et Boris Terral.

En 2007-2008, avec deux opus dramatiques qui déclinaient les thématiques de la famille pathogène et de la violence faite aux femmes, "Avec le couteau le pain" et "Faut-il laisser les vieux pères manger seuls aux comptoirs des bars", Carole Thibaut, auteur, comédienne et metteur en scène, Prix Nouveau Talent de la SACD 2009, s’est inscrite simultanément dans le paysage de l'écriture théâtrale que celui de la jeune création contemporaine.

En 2012, après un drame intimiste sur le couple ("L'été"), une sotie sur le féminin ("Fantaisies") et un spectacle jeune public constitué d'une relecture des contes "Les petites empêchées - Histoires de princesses", elle présente "L'enfant" une comédie dramatique qualifiée de drame rural qui s'avère une compilation de son travail antérieur dont il entreprend d'aborder toutes les thématiques artificiellement réunies par un fil rouge, celui d'un enfant abandonné, également utilisé pour y ajouter le thème du silence et du secret, en l'occurrence de Polichinelle.

Projet d'autant plus ambitieux qu'il est censé constituer une déclinaison moderne du mythe à la Howard Barker, celui de Sodome. Or, au théâtre contrairement à la vie, abondance de biens nuit et la multitude de thématiques, même dans un spectacle de plus de deux heures, induit des approches réductrices qui risquent d'autant plus de friser la caricature quand elles sont illustrées, comme en l'espèce, par des intrigues et des personnages archétypaux du théâtre naturaliste.

Placée sous le signe de la psychopathologie ethnologique, la pièce se compose de mini-drames à deux personnages traités sous forme de scènes courtes pour laquelle Carole Thibaut use également de la pratique du pêle-mêle en puisant dans plusieurs genres, de la fable biblique au théâtre de l'intime en passant par le conte noir et le mélodrame réaliste.

Sur le plateau constamment plongé dans l’obscurité duquel émergent de micro espaces scéniques, dispositif privilégié de Joël Pommerat, les comédiens font oeuvre de composition pour camper des villageois de la France profonde, la France rurale de taiseux qui, en l'occurrence, sont très bavards et dans lequel les femmes sont des commères peu joyeuses et les hommes des adhérents bas du front du parti "chasse, pèche, nature et traditions" revus par les Inconnus.

Au jeu sobre de Thierry Bosc, Donatien Guillot et Eddy Chignara, ce dernier dans le rôle du maire du village et fils soumis, répond le surjeu de Emmanuelle Grangé qui fait de la mère possessive et castratrice de surcroît une hystérique.

Si Marion Barché est parfaite dans le rôle de la jeune femme inculte et l'émotion mélodramatique, Boris Terral peine à donner une épaisseur psychologique au fils de prolétaire devenu un intellectuel de gauche qui fait un retour à la terre.

Enfin aux deux extrémités du spectre de l'interprétation dramatique, après avoir été la niquedouille dans "Yvonne de Bourgogne" de Gombrowicz montée par Anne Barbot, dans le rôle de l'idiote du village, Fanny Santer, dont le jeu réaliste très démonstratif déjà remarqué lors de son cursus au CNSAD risque de la cantonner à l’emploi de demeurée, et le jeu maniériste de Sophie Daull, au demeurant excellente comédienne, dans le rôle de l'hobereaute locale, fille mal aimée et femme cougar.