David Puaud est un anthropologue, formateur-chercheur qui consacre ses travaux depuis une dizaine d’années sur la gestion des marges urbaines à partir d’enquêtes de terrain menées au sein de quartiers populaires. Son dernier livre, Un monstre humain ?, est un livre passionnant à la naissance originale.
En effet, en 2007, l’auteur alors éducateur de rue dans une petite ville de province découvre à la une d’un journal local le titre suivant "un crime barbare totalement gratuit". En parcourant l’article qui décrit la scène du meurtre et les deux coauteurs présumés, il se surprend à penser immédiatement à l’un des jeunes qu’il suit, intuition qui se révèlera juste. Passée la sidération, il décide de suivre le procès, auquel il sera d’ailleurs appelé à témoigner. Lors de ce procès, le principal accusé se voit souvent assimilé à la figure du "monstre", dénué d’humanité. Or, pour l’auteur, qui a côtoyé ce jeune homme, sa sensibilité et son humanité ne font aucun doute.
La question est alors de savoir comment il a pu en arriver à commettre un acte aussi monstrueux ? Ce sera le point de départ de son enquête de dix ans, l’objet du livre qui vient d’être publié aux éditions de la Découverte. L’auteur a voulu comprendre le passage à l’acte de ce jeune criminel en analysant son parcours de vie.
Et il faut bien dire que le livre est particulièrement intéressant. Il débute par un premier chapitre qui nous raconte le procès en cours d’assise au travers d’analyses psychiatriques et psychologiques faites sur l’accusé et ensuite des différentes plaidoiries. Le verdict tombe, perpétuité avec peine de sûreté de vingt ans. Pour autant, pas de véritable mobile, les experts ont considéré qu’il y avait chez l’accusé un potentiel morbide, un instinct criminel qui aurait pu permettre de prédire ce crime. L’objectif de l’auteur du livre va être alors de confronter cette hypothèse d’explication du crime au terrain.
L’auteur nous raconte alors sa rencontre avec la famille de l’accusé quand il fut en charge de s’en occuper, qui vivait dans un quartier sensible puis de sa rencontre avec l’accusé. Il nous raconte ses petits boulots, fait de chine et d’emplois saisonniers, entrecoupé de périodes de chômage. Il est proche de la communauté gitane, expert en débrouillardise et n’hésite pas à s’orienter vers l’économie illégale pour gagner de l’argent.
Pour les services sociaux, lui et sa famille sont des "Cas soc’", perçus comme inadaptés par la majorité des institutions d’aides sociales.
Son parcours de vie est ensuite ausculté, fait de violences familiales, de tentative de suicide, de scolarisation compliquée aboutissant rapidement à un décrochage scolaire et de difficultés d’insertion dans le monde professionnel. Son parcours s’apparente vite au parcours du combattant, il devient SDF, se marginalise et tombe vite dans la violence, jusqu’à l’irréparable.
La fin du livre est consacrée à ses visites en prison avant le procès, aux tensions qui ont touché son quartier avant et pendant le procès et au témoignage de l’auteur du livre pendant le procès.
Ce livre d’enquête, qui se lit comme un roman policier, est au final une superbe immersion au sein d’un quartier populaire français, laissé à l’abandon par nos hommes politiques. Pour lui, ce crime est le résultat de multiples facteurs sociaux, institutionnels et familiaux.
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