Imaginez que l'on passe au mixer le meilleur du rock psychédélique des années 70 et les classiques du premier heavy, qu'on les noie sous des flots distendus de reverb et de saturation en une production qui emprunterait quelque chose au courant low-fi. Bienvenue dans l'univers sous acide des Comets on fire.
Avatar, le quatrième album de la formation de San Francisco, ne change rien à la formule posée dès le premier album, éponyme (autoproduit en 2000, réédité en 2002 par Alternative tentacles) : le groupe continue à torturer, pour mieux la prolonger, la tradition rock la plus pure, l'hendrixo-zepelinienne. Comme si pour faire avancer le rock on n'avait pas trouvé mieux que d'en déterrer les racines pour procéder sur elles à tout un ensemble d'expérimentations étranges - avec une patience, une inventivité, une cruauté, diront certains, hors du commun.
Moins rageur que l'album précédent, l'incontournable Blue Cathedral (Sub Pop, 2004), ce nouvel opus va fouiller un peu plus loin encore dans les racines du rock, convoquant jusqu'à la soul, au rythm & blues et aux ballades émouvantes issues de la lignée folk. Il livre ainsi une musique aux sonorités quelque peu renouvelées, enrichies, qui se laissera re-découvrir avec beaucoup de bonheur.
Ainsi les six notes de piano de "Lucifer's memory" ne manqueront-elles pas de faire songer aux compositions de John Lennon avec solo, chœurs et, pour conclure, ce cri comme un clin d'œil : "Let it be", ad lib. De même, "Hatched upon the aged", dernier titre de l'album, où la voix rappelle celle du chanteur des Zutons, ferme-t-il la marche sur un solo qu'on dirait venu tout droit des temps héroïques. Le groupe se découvre même un certain groove, des plus excitants, à l'occasion de l'excellentissime "Sour Smoke", se réinvente avec "Jaybird" un jazz-rock sautillant digne des improvisations des collectivistes germano-américains de Sweet Smoke ou Amon Düül II.
Malgré ces influences évidentes, qui lui donne quelque chose d'immanquablement familier, cet Avatar, comme l'ensemble de la musique des Comets on fire est très loin du easy listening. Toujours épique, à la fois changeante et répétitive, comme surcompressée, emportée, brouillonnée, hallucinée, elle a quelque chose d'éprouvant, de trop dense, de foisonnante.
Ce faisant, c'est le sens même qu'il y a à écouter du rock & roll que tente peut-être de retrouver le groupe : le rock c'est sale, le rock ça sent la sueur et, surtout, le rock, ça n'est pas pour nos parents, archétypes du vieux domestiqué. Frustrant et pesant héritage que celui des excellentes formations d'antan, que l'on aime tant, mais que l'on aimerait encore plus mépriser tout en prétendant avec sérieux être allé plus loin que nos aînés. Comment tuer le père s'il faut lui emprunter ses disques ? Avatar confirme le statut d'arme du crime idéale des Comets on fire, rare groupe contemporain à pouvoir dépasser, sur leur propre terrain, les formation mythiques qui ont inventé une musique provocatrice et l'ont baptisé "rock". |