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Richard Bohringer  (Editions Flammarion)  avril 2011

Le Bohringer 2011 est dans les bacs. Depuis 2005, bon an, mal an, cinq opus en six ans, la plume de l’acteur Richard Bohringer, découverte en 1988 avec "C’est beau une ville la nuit", poursuit vaillamment son travail de griot occidental à l’écriture flamboyante qui sait transcender ses dérives éthyliques et ses abîmes existentiels.

Sur la jaquette fantaisie de son dernier roman en date, "Les nouveaux contes de la cité perdue", son visage apparaît derrière des feuilles, ni de bananier, ni de baobab, mais d’un ficus d’appartement.

Le diseur de Paname qui lisait dans le cul des bouteilles est-il passé au rayon des souvenirs ? Le baroudeur naturalisé "africain" serait-il assagi, rangé des taxis-brousse ? L’écumeur des rades de Harlem aurait-il raccroché les gants pour savourer la sérénité de la sagesse des ans ? Le blues du vieux briscard qui ne cessait d’affronter, sous toutes les latitudes, la mer déglinguée de ses nuits avinées en quête de l’inaccessible étoile se serait-il dissipé ?

Que ses lecteurs assidus se rassurent, si tant est que ce verbe soit approprié. Il a la peau dure, la peau tannée des vieux crocodiles marinés dans l’eau de vie, et l’entêtement des lucides désespérés qui ne se délestent pas de leur sac à dos de mélancolie.

Ils le retrouveront quasi intact, phénix renaissant de cendres pas encore nées, fidèle à lui-même et à son dogme scriptural : "Je suis pas un gars de la syntaxe. Je suis de la syncope. Du bouleversement ultime".

Roman est-il indiqué sous le titre. Mais très largement autofictionnel avec ce narrateur surnommé John, clône (littéraire) presque parfait. Même date de naissance, même carrière d'acteur populaire, qui a torpillé sa carrière, tombé en écriture thérapeutique, l'écriture qui permet de "réinventer le fracas de son âme"), même parcours addictif, alcool/cigarettes/drogue, et mêmes obsessions métaphysiques sur l’amour, la mort, la solitude, Dieu, auxquelles s'ajoutent la diatribe contre les anciens territoires et la prédication utopiste d'un nouveau monde.

Richard Bohringer a beaucoup lu, trop peut-être, les auteurs mythiques d’aventuriers sublimés - Arthur Rimbaud, Jack London, Tennessee Williams, Malcolm Lowry, Jim Harrison, Antoine Blondin - qui laissent accroire que les héros de papier pouvaient avoir été de chair et il met en scène ceux qui en seraient les avatars contemporains mais dont la seule aventure est de "rejoindre chaque jour l'imaginaire".

Une poignée d'hommes, car c'est une histoire d'hommes, les femmes étant réduites à la portion congrue d'objet de désir, qui fréquentent un bistrot, le bien nommé "Au bout du monde" appartenant à Paulo, et dont la porte "stargate" ouvre sur une arché de Noé humaine aux allures de cour des miracles.

Au rythme des infos télévisées, concession incontournable au monde ancien, et d'un juke box qui égrène toute la musique qu'il aime, du jazz mais aussi Jimi Hendrix, les Doors, Ferré, Nougaro et Piaf, les "sans personne" au rang desquels des personnages à la Tardi : Jésus le barbu fumeur d’herbe combattant du peuple, Emir le peintre à l'œil crevé qui repeint la vie à la demande, Piotr le polonais qui parcourait l’Europe pour manger, Jean-Baptiste un africain ancien boxeur champion du monde, Denis un ancien rugbyman belle gueule tombé dans les boites de nuit, Pierrot le routier ou "papy toutfou" le vieil homme sur son vélo qui évoque le célèbre Aguigui Mouna qui a hanté le Quartier Latin des années 70.

Et puis John, l'ami de Paulo qui est pour lui son plus que frère, son double schizoïde, son ami éternel et son compagnon de biture, Paulo, l’éructeur de la 300ème rue, le baroudeur qui avait voulu faire la révolution en Afrique, une Afrique qui n’existe plus que dans ses rêves et dans les deux baobabs plantés près de son bar.

John le mélancolique, assailli de bouffées d’angoisse, ancien acteur qui clame son amour presque charnel pour le cinéma ("embrasser la lumière des projos, ouvrir son corps aux sens, brûlant de désir, éperdu d’amour") et transi devant la soeur de Paulo, celle dont le désir pourrait l'arracher à la solitude ("un homme qui n’est pas désiré est un chien errant, solitaire") même s'il en a peur ("John aimait Solange mais avait peur du désir et de la transformation des femmes lorsque le plaisir les rendait étrangères") et s'il ne croit pas à l'amour ("Le bonheur est une invention totale, l’amour une transcendance de la solitude qu’il avait apprivoisée") ni à la pérennité d'une relation ("Les femmes n’étaient jamais satisfaites. A l’usure rien ne leur résistait").

John qui nourrit des rêves trop grands pour lui et jette un regard terriblement lucide sur sa vie : écrivain qui se sait dépourvu de génie et qui n’écrira jamais de chef d’œuvre, "juste des livres écrits avec le cœur", et imprécateur paradoxal, car appartenant à cette génération qui a contribué, par son inertie, à faire le monde qu'il vomit ("Il avait surnagé avec ses principes mais sans réel engagement").

Chaque jour à 17 heures a lieu le largage des amarres terrestres pour la cité perdue et la capitale des nouveaux territoires. Un voyage qui doit être le plus lent possible pour boire jusqu'à la fin de la matinée suivante sans que jamais le rituel ne soit remis en cause : "John ne pensait jamais à arrêt de boire. Paulo non plus. Il y avait seulement des jours plus difficiles que d’autres. Des jours où il fallait incendier la mémoire, oublier les mauvais jours où on ne ressemble pas à ce que l’on voudrait être".

Mais John-Richard en se contente pas d'envolées lyrico-utopistes avec ce frère de bamboche qui présentent un air d'attendre Godot qui semble être la pierre d'achoppement de l'auteur tant elles se trouvaient déjà dans son premier écrit, un texte dramatique, "Zorglub" écrit à la fin des années 60 et qui continuent de gratter le sillon qui a été si glorieusement creusé par Antoine Blondin. Impossible, en effet, de ne pas songer à son roman "Un singe en hiver".

Il fait du Bedos en fulminant contre les nouveaux riches, les pouvoirs, les montres rolex, les anciens territoires qui ont choisi comme dieu l’argent et l’ambition, les femmes qui veulent des cabriolets et des rolex platine, la déliquescence de la pensée politique, le mépris du pouvoir et de la justice pour le peuple, les députés qui n’étaient plus du peuple depuis longtemps, la corruption, le remaniement ministériel et Noël ("la fête des escrocs et de la merde dans du papier fin").

Et il fait le prédicateur en prédisant l’esclavage de l'Occident par le dragon chinois qui a sucé son savoir-faire et en exhortant à l'utopie soixante huitarde remise au goût du jour par les décroissants : "Cultivons notre bout de terre. Cessons de creuser son ventre et de boire son lait noir. Cachons-nous dans les bois. Soyons de ceux qui retrouvent la sagesse et perdent l’envie du trop-plein".

Comme son anti-héros jumeau, Richard Bohringer a eu 69 ans le 16 janvier 2011. Le temps passe, le temps presse. Le temps, qui fait son inéluctable et inexorable office de rétroviseur, teinte sa prose de regrets ("Il avait flingué sa carrière. Il avait pêté les plombs. Paranoïa tragique. Sans en être conscient. Absolu dans le bon comme dans le méchant. Il avait été rongé par la maladie dont il avait guéri. Trop tard. Sa mauvaise réputation était faite"), de remords ("Il n’avait pas réussi à rendre à sa vie plus heureuse ni à rendre le bonheur qu’on lui avait donné. C’était une torture") et d'amertumes ("Jamais le public ne l’avait abandonné. Surtout chez les gens simples. Les gens de pouvoir l’avaient brisé").

Mais il tient bon la rampe.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de "Zorglub"


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# 5 juillet 2020 : Un avant goût de vacances

il fait (presque) beau partout, on sort un peu de chez nous, on voit nos amis, on pense aux vacances. Chez Froggy's on continuera tout l'été à vous alimenter en culture mais ce sera peut être un peu plus calme. En attendant, voici le sommaire et bien sûr le replay de La Mare Aux Grenouilles #5 !

Du côté de la musique :

"Les îles" de Benoit Menut
"Echange" de Brussels Jazz Orchestra, Claire Vaillant & Pierre Drevet
"INTENTA experimental & electronic music from Switzerland 1981-93" par divers artistes
"Jimmy Cobb" mix #19 de Listen In Bed
"Chausson le littéraire" de Musica Nigella & Takenori Nemoto
"Alessandro Scarlatti, il Martirio di Santa Teodosia" de Thibault Noally & l'Ensemble Les Accents"
et donc La Mare Aux Grenouilles numéro #5 avec la liste de ce qui a été abordé et le replay.
et toujours :
"Grand prix" de Benjamin Biolay
"The Beethoven collection Vol1 : Sonatas by Clementi, Hummel, Dussek and Wolfl" de Jean-Efflam Bavouzet
"Eivind Groven Symphonies N°1 & 2" de Kristiansand Symphony Orchestra sous la direction de Peter Szilvay
"L'heure bleue" de Marianne Piketty, Le Concert Idéal
"Tu rabo Par'abanico" de Marion Cousin & Kaumwald
"Veines" de Merakhaazan
"Silas" de Silas Bassa

Au théâtre dans un fauteuil de salon avec :

des créations :
"La Putain respectueuse" par Gérard Gélas
"Dracula Asylum" par Felicien Chauveau
"L'Homme qui rit" par Gaële Boghossian
"Cage" par Jacques Bellay
"Kyste" de et par Eloïse Hallauer et Camille Soulerin
et une pépite : "Jimmy's blues" de James Baldwin par Nicolas Repac et Anouk Grinberg
du théâtre moderne :
"Vient de paraître" d'Edouard Bourdet par Jean-Paul Tribout
"La vie de Galilée" de Bertold Brecht par Eric Ruf
le répertoire classique par la Comédie français d'hier et d'aujourdhui :
"Le Mariage de Figaro" de Beaumarchais
"On ne badine pas avec l'amour" d'Alfred de Musset
Au Théâtre ce soir :
"Les Petits oiseaux" d'Eugène Labiche
"La Reine Blanche" de Barillet et Grédy
"Les Petites têtes" d?André Gillois
des comédies :
"L'Opération du Saint-Esprit" de Michel Heim
"Jeux de mots bêtes pour gens laids" autour de textes de Bobby Lapointe
"Pochettes Surprise" de Jacky Goupil
du côté des humoristes :
"Jean Luc Lemoine - Au naturel"
"Moustapha El Atrassi - Second degré"
du théâtre visuel avec "L'Avare" par la Compagnie Tàbola Rassa
et enfin du théâtre lyrique avec"Ercole Amante" de Francesco Cavalli par Christian Hecq et Valerie Lesort

Expositions :

les réouvertures de la semaine :
le Musée d'Art Moderne dela Ville de Paris avec les collections permanentes de "La Vie Moderne" dans sa nouvelle présentation et la salle Matisse
le Musée Rodin
le Musée national des Arts asiatiques-Guimet
le Musée Cognacq-Jay et le Musée du Louvre
et les expositions en "real life" à ne pas manquer :
"Otto Freundlich - La révélation de l’abstraction" au Musée de Montmartre
"Turner, peintures et aquarelles - Collection de la Tate" au Musée Jacquemart-André
"Harper's Bazaar, premier magazine de mode" au Musée des Arts Décoratifs
"Christan Louboutin - L'Exhibition[niste]" au Palais de la Porte Dorée
"Cézanne et les maîtres - Rêve d'Italie" au Musée Marmottan-Monet
"Coeurs - Du romantisme dans l'art contemporain" au Musée de la Vie romantique
"Les Contes étranges de N.H. Jacobsen" au Musée Bourdelle
les Collections permanentes du Musée Cernushi
"Le Monde selon Roger Ballen" à La Halle Saint Pierre
"Helena Rubinstein - La collection de Madame" et "Frapper le fer" au Musée du Quai Branly
"Monet, Renoir... Chagall - Voyages en Méditerranée" à l'Atelier des Lumières

Cinéma :
en salle "L'Envolée" de Eva Riley
at home avec :
du thriller :
"La Isla minima" de Alberto Rodriguez
"La Onzième heure" de John Lyde
de la romance :
"La revanche d'une blonde" de Robert Luketic
'"Aime-moi comme je suis" de Stephan Meyer
"Coup de foudre en cuisine" de James Hacking
du drame :
"L'ombre du doute" d'Aline Issermann
"Tout va bien on s'en va" de Claude Mouriéras
"Henri" de Yolande Moreau
Ciné-Club français des années 60 :
"L'Insoumis" d'Alain Cavalier
"Le Chien" de François Chalais
"La Voleuse" de Jean Chapot
"Les Ennemis" d'Edouard Molinaro
et des raretés :
"Le Champignon des Carpathes" de Jean-Claude Biette
"King of the White Elephant de Sunh Vasudhara

Lecture avec :

"Isabelle, l'après midi" de Douglas Kennedy
"Les ombres de la toile" de Chris Brookmyre
"Oeuvres complètes II" de Roberto Bolano
"Un été norvégien" de Einar Mar Gudmundsson
et toujours :
"Be my guest" de Priya Basil
"De Gaulle sous le casque" de Henri de Wailly
"La faiblesse du maillon" de Eric Halphen
"Les jours brûlants" de Laurence Peyrin

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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

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