Madgermanes est le nom donné aux Mozambicains envoyés en ex-RDA à partir de 1979, en réponse à l’appel de main d’œuvre de ce pays socialiste "frère" de la République du Mozambique. Celle-ci convoya des dizaines de milliers de travailleurs sous contrat désireux de fuir la misère de leur pays. C’est cette histoire vraie que nous raconte Birgit Weyhe dans son roman graphique, publié aux éditions Cambourakis.
Passé l’enthousiasme de la découverte, ces mozambicains vont rapidement déchanter en se heurtant à la réalité d’un accueil hostile, loin de toute fraternité et dans un climat auquel ils ne sont pas habitués ni préparés. Très vite relégués à la marge de la société, leur situation va encore se détériorer après la chute du mur de Berlin. Contraints de devoir rentrer dans leurs terres natales, ils vont subir la double peine, celle d’être accueillis en étrangers dans leur propre pays.
Birgit Weyve a fait le choix de construire son récit autour de trois personnages fictifs, deux hommes et une femme, pour mettre en lumière le destin méconnu de ces travailleurs mozambicains. Au niveau graphique, elle s’appuie sur un style épuré efficace, autour de trois couleurs, le blanc, le noir et le marron. La société est-allemande est parfaitement décrite, notamment ses règles de vie extrêmement strictes.
En même temps, l’histoire du Mozambique est aussi évoquée, depuis son indépendance en 1975 et la mise en place du socialisme avec une nouvelle république qui va rapidement tomber dans la guerre civile.
La BD montre bien la quête d’identité de ces hommes et femmes, tiraillés entre deux cultures et deux pays, en perpétuelle quête d’appartenance. En mettant en évidence ce sentiment de déracinement, Birgit Weyve a souhaité apporter une reconnaissance tardive à ces oubliés de l’histoire dont le cheminement trouve un écho troublant dans notre actualité. |