Quel drôle de livre que cet ouvrage écrit par Eric Plamondon, publié chez Quidam Editeur ! Quel drôle de titre aussi, Taqawan et quel drôle d’histoire aussi ! Tout est original dans cet ouvrage, de l’histoire à la construction du récit pour au final former un livre tout simplement jubilatoire.
Taqawan est donc, vous l’avez compris, un livre étonnant, un roman noir, fortement teinté d’histoire et de traditions mais aussi un pamphlet sur la société québécoise. L’auteur a nourri son ouvrage des évènements qui se sont passés au début des années 80 au Québec autour de la pêche du saumon. Cette "guerre du saumon" fut à l’époque un conflit autour du droit de pêche de ce poisson entre des pêcheurs, le gouvernement canadien, le gouvernement québécois et les indiens Mig’Maq présents au Québec. Ces indiens qui péchaient régulièrement le saumon dans leur filet dans la rivière Restigouche se voit interdire leur droit ancestral en 1981 par les autorités québécoises. Refusant de céder, les autorités québécoises enverront par deux fois des hommes de la sûreté québécoise pour les mater.
Parmi ces Mig’Maq se trouve Océane, une jeune fille qui va voir les raids des québécois et l’arrestation de son père. Lors du second raid, elle se retrouvera frappée, violée et laissée à l’abandon au milieu de la forêt. C’est un agent de conservation de la forêt, un certain Leclerc qui la retrouvera quelques jours plus tard. Les deux croiseront la route de Caroline, une française venue enseigner au Québec et de William, un indien solitaire. Ils vont tenter de protéger la jeune Océane des multiples dangers qui la guettent. L’intrigue du livre va alors se dérouler autour des affrontements de la réserve indienne et des autorités québécoises.
Le roman est construit comme une mosaïque autour d’une soixantaine de chapitres courts qui donnent un rythme effréné et passionnant au livre. Eric Plamondon nous offre une quantité d’informations dans de multiples domaines sans pour autant occulter la réflexion. On apprend de nombreuses choses sur ce peule indien sur leur mode de vie, leurs croyances et leurs mœurs. Le saumon prend aussi une grande place dans l’ouvrage, toujours de façon élégante, poétique ou scientifique. Les produits traditionnels canadiens ne sont pas en reste dans le livre. On retrouve le sirop d’érable, le caviar canadien et même Céline Dion (oui, je sais, ce n’est pas un produit !). L’auteur nous propose des recettes aussi.
L’ouvrage est aussi une longue réflexion sur la colonisation, les abus sexuels et le trafic d’êtres humains. C’est aussi un plaidoyer en faveur de la cause amérindienne. L’ouvrage, enfin, est la preuve qu’Eric Plamondon est un grand écrivain, que son talent d’écriture est immense et qu’il mélange avec prouesse fiction et réalités historiques. En prenant soin de conserver une intrigue haletante autour des quatre personnages principaux, Eric Plamondon intercale des courts chapitres constitués d’anecdotes croustillantes qui font que la lecture de ce livre nous fait passer par diverses émotions.
On ne décroche pas de ce livre, on le dévore tout simplement tant il est jubilatoire. On vit une expérience québécoise incroyable autour de ce Taqawan. Taqawan est un roman ambitieux et divertissant, un mélange d’érudition, d’engagement et de fiction qui se lit avec un immense plaisir. Il fait partie de mes belles surprises littéraires de ce premier semestre.
Taqawan est un livre prodigieux, tout simplement. |