Le Musée du Luxembourg propose une exposition dédiée à "L'âge d'or de la peinture anglaise" qui, sous-titrée "De Reynolds à Turner", embrasse la période 1760-1820 au cours de laquelle se sont dégagés une volonté nationale et des talents pour la construction d'une école picturale anglaise retraçant les particularismes insulaires.
Et également, de manière plus prosaïque, d'intéresser les mécènes et les collectionneurs établis tournés vers la production picturale étrangère et de susciter la clientèle de la bourgeoisie enrichie par le développement économique.
Elle a été élaborée à partir des chefs-d’oeuvre de la Tate Britain sous le commissariat de Martin Myrone, conservateur en chef audit musée, et Cécile Maisonneuve, conseiller scientifique à la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais, qui en ont sélectionné un florilège, au demeurant de toiles rarement présentées en France, constituant un panorama représentatif tant des peintres de renom de ce temps que de leur traitement original des grands sujets de la peinture.
Et elle se déploie un parcours en sept sections ordonnées autour des genres picturaux dans une adéquate scénographie s'inspirant de l'architecture d'intérieur des grandes demeures anglaises conçue par Jean-Paul Camargo.
L'âge d'or de la peinture anglaise : "de la grandeur, du picturesque et du sublime"
Les bornes chronologiques correspondent au règne du roi George III, protecteur des arts, qui, dans le cadre de cette quête d'une identité picturale britannique ambitionnant une esthétique nouvelle, connut la création de la Royal Academy of Arts, le British Museum fondé en 1753 devevenant un musée d'art, la naissance de sociétés d'artistes et l'organisation d'expositions publiques d’artistes vivants.
La monstration est introduite par une mise en résonance, dans le genre alors en vogue du portrait, des oeuvres présentées en miroir des deux maîtres du temps et de la même génération, et tous deux sous influence vandyckienne, Joshua Reynolds d'obédience académique et Thomas Gainsborough à d'une belle liberté de touche.
Ces "précurseurs" vont fixer la ligne d'horizon de l'ambition affichée d'instaurer une peinture anglaise partagée par les peintres disciples, rivaux ou dissidents tels George Romney, Gilbert Stuart, Johan Zoffany et Francis Cotes.
Outre la représentations qui ressortent au portrait aimable, les scènes de genre retracent de manière heureuse et idyllique la vie quotidienne des familles aisées, ce que les commissaires qualifient d'"images d'un entre-soi", telles celles de de John Hoppner, Joseph Wright of Derby et Francis Cotes. Ces portraits de groupe connaîtront le succès en tant que "conversation pieces" dans un format resserré tout comme les portraits d'enfants "doux chérubins" de Francis Wheatley et Johan Zoffany et ceux universellement connus de Reynolds.
Le pittoresque est également affectionné avec quelques incursions dans la vie rurale dont les représentations polissées et édulcorées de George Morland ("Intérieur d"une écurie") et Thomas Barker of Bath ("Paysages avec des figures et un troupeau de moutons") constituent des images d'Epinal peu réalistes au regard de la dureté de la vie aux champs, tout comme les oeuvres consacrées à la colonisation en Inde et aux Antilles.
Autre sujet de prédilection très "british", la "country life", qui, en 2018, a fait l'objet d'une exposition dédiée au Musée de la Chasse et de la Nature ("Country Life - Chefs-d’œuvre de la collection Mellon") et les divertissements de classe dont la vénerie et la chasse, séculaire tradition anglaise avec George Morland ("Les Archers) et George Stubbs ("Couple de foxhounds").
Le genre du paysage, la "maîtresse" de Gainsborough et le registre de prédilection de John Constable, constitue une des composantes essentielles de l'école anglaise de peinture paysage avec le développement du croquis sur le motif, la théorie du picturesque et la vitalité de la technique de l'aquarelle à laquelle est consacrée une section.
Enfin, l'époque voit également le renouvellement de la peinture d'histoire, alors battue en brèche, avec des artistes à la forte personnalité sous influence du romantisme ou du fantastique notamment William Blake, J.M.W. Turner ("La destruction de Sodome") et John Martin ("La Destruction de Pompéi et d’Herculanum").
Et ainsi, en 1820, une page de l'Histoire de l'art se tourne.
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