Les chansons des Pierces fonctionnent comme des scénarios : tout commence par une introduction musicale ou vocale qui plante le décor. Puis le premier couplet chanté fait souvent la présentation des personnages ou de la situation. L’histoire est ensuite racontée, jusqu’au climax (avec des chorus à plein régime ou des silences). Enfin, un épilogue, souvent matérialisé par une répétition du refrain.
Autre analogie cinématographique, quel que soit le pays dans lequel passent les deux soeurs, on leur fait remarquer que "Boring" sonne comme une chanson qui pourrait faire le générique d’un James Bond. Ou bien que leur style (tant musical que visuel) pourrait parfaitement accompagner un film de Tarantino.
La presse anglo-saxone, généreuse en comparaisons, a d’ailleurs posé beaucoup d’étiquettes sur le duo.
Nous en retiendrons deux, pour leur pertinence : une filiation très lointaine avec Tom Waits (question d’ambiance, d’un début de noirceur ou d’originalité sans doute) ; et une seconde, qui leur colle à la peau : le cabaret.
Pourtant, le cabaret ne correspond pas littéralement à leur musique. Simplement, leur présence scénique, la tonalité acoustique de certaines de leurs chansons, et surtout ces jeux vocaux multiples ont sans doute emmené à cette comparaison.
Ou bien est-ce la difficulté de catégoriser les Pierces dans un genre ?
Si elles se définiraient volontiers comme de la pop, on pourrait tout autant dire que c’est de la folk, et par certains aspects acoustiques, pourquoi pas du jazz ?
La vérité est que, sans être vraiment nouveau ni différent, cet album laisse planer après son écoute un sentiment étrange, quelque chose de spécial, tout de même. Sans révéler aucun secret, et pour y voir un peu plus clair, voici une série d’impressions subjectives sur quelques-unes unes des 13 chansons de l’album.
"Secret" : des paroles relativement sombres couchées sur une musique aux airs de balade mélancolique... jusqu’à ce qu’on entende ces premiers chorus qui pourraient être issus d’une composition de Danny Elfmann. On se croirait presque dans l’esprit de Nicole Kidman dans le film Prête à Tout. On retrouve une ambiance proche dans "3 Wishes".
"Kill Kill Kill" : avec un petit côté country, ce titre pourrait faire la bande son d’un Tarantino, entre Kill Bill et Boulevard de la mort.
"Boring" : un des flambeaux de l’album. Les deux soeurs sont positionnées comme des représentantes blasées de la branchitude musicale moderne. Un titre absolument séduisant, efficace et pourtant, tout à fait moderne. L’ironie totale des paroles fait passer l’ensemble, qui finalement donne aux deux Gossip-Pierces-Girls un faux air de Sex And The City dans une pop de qualité. Avec en prime un son très James Bond.
"Lies" : une chanson d’avant garde. Tout à la fois absolument rétro dans ses vrais faux airs d’ABBA (que l’on retrouve également dans les refrains de "Lights on"), et résolument dans le vent par son mélange des genres musicaux.
"Turn on Billie" : peut-être une des chansons qui peut, en cherchant bien dans un certain sens, nous rapeller Tom Waits.
"Ruin" : une vraie belle ballade, avec une jolie mélodie et surtout, la voix presque irlandaise d’Allison... De la pop music, avec une âme.
12 titres originaux et une reprise, voilà le programme de ces 13 petites histoires d’amour et de haine.
Si on oublie l’image marketing du duo brune-blonde des deux soeurs, on peut se concentrer sur un album réussi, mélodique, et particulièrement séduisant.
Mais si ce même album était porté par un groupe français, avec une chanteuse moins aguicheuse, aurions-nous, en premier lieu, prêté autant d’attention à ce disque ? |