Près de quarante ans séparent la parution d'USA 1972 de sa publication française, autant dire un monde. Entre temps, les rockeurs français de l'époque ont eu le temps de vivre, mourir, voir défiler les modes, mais surtout d'oublier Ian Hunter et sa bande de musiciens.
Ce livre, que les seuls anglo-saxons ont eux eu le loisir de pouvoir lire, est le journal d’un musicien faisant partie d’un groupe en devenir mais qui, malgré un succès d’estime, n’a jamais eu la reconnaissance souhaitée ou méritée.
Dans ce journal, Ian Hunter expose sa vision d'une tournée américaine devant permettre à son groupe de confirmer les succès radio. L'aventure s'avère ne pas être simple, les musiciens accumulent les déplacements, la fatigue, les galères, les concerts ratés ou annulés. A tout ceci s'ajoutent les guéguerres entre groupes pour savoir qui passera en dernière position pour profiter ainsi de la meilleure exposition et avoir le public le plus réceptif possible.
C’est finalement une entreprise de désacralisation de la vie de musicien que l'auteur nous rapporte qui, dans l’inconscient collectif, reste une vie fantasmée, faites de groupies confortables et d'hôtels plus ou moins miteux. Ici, les soirées tournent court ou alors les excès sont suivis d'une période "régime" pour conserver la ligne. On est loin des excès de certains. Autre activité, la recherche de LA guitare, dans les boutiques de préteurs sur gage. Un sport que les musiciens aiment pratiquer pour assouvir leurs bas instincts de collectionneurs ou des possibilités plus values lors du retour au pays, déjà à cette époque, le vintage avait le vent en poupe.
Que les voyeurs s'attendant à des hordes de groupies en chaleur s'offrant aux musiciens passent leur chemin. Ce n'est pas le propos du livre, certainement parce que leurs régulières n'auraient pas apprécié. En revanche, on y croise du beau monde, David Bowie entre autres, qui a composé pour Mott The Hoople leur plus célèbre titre "All The Young Dudes". Bowie reste en filigrane tout au long du livre comme un esprit bienveillant, une espèce d'étoile du Sud, planant et illuminant le chemin. Quelques autres aussi croisent Ian Hunter et sa bande, Keith Moon (réunion d'anglais aux Etats-Unis), Franck Zappa et d'autres.
USA 1972 est un témoignage intéressant de son époque, et lire les réflexions de Ian Hunter au jour le jour est assez plaisant, même si ses problèmes de maintien de poids sont un peu ennuyeux. Il n'est quasiment pas fait référence à des prises de drogue, pourtant monnaie courante à cette époque. On peut imaginer qu'il y a eu une autocensure ou tout simplement que la recherche de la célébrité ne rime pas forcément avec l'abus de substances illicites. Là aussi, si vous êtes en recherches de détails croustillants, ce n'est pas le bon livre.
On aurait aimé que cette édition soit agrémentée d'une biographie du groupe et de Ian Hunter, dont la carrière ne se résume pas à Mott The Hoople. Cela aurait permis de replacer l'action dans l'histoire du groupe, mais aussi de la musique des seventies. A noter que l'éditeur a tout de même enrichi son édition d'une passable préface de Philippe Manœuvre, et d'une postface de Philippe Garnier (journaliste à Rock&Folk) un peu plus riche en contenu. La lecture aisée de ce journal de bord d'une tournée est un témoignage unique de l'histoire de la musique, mais qui laisse tout de même le lecteur sur sa faim et sa fin. |