Pour moi la world music s'est toujours plus ou moins apparentée de manière étrange avec les slips de bain : c'était très populaire dans les années 80, les profs adorent ça de manière quasi généralisée et c'est aujourd'hui essentiellement ridicule.
Dire que ce fut mon impression lors de la première partie assurée par l'Imperial Tiger Orchestra n'est pas exactement véridique. Je pourrais même dire que certains moments furent agréables mais sans grande conviction.
Certes, le groupe joue bien, avec enthousiasme (pour quelle autre raison
quelqu'un porterait-il une chemise hawaïenne lors d'un concert s'il n'est pas un dangereux enthousiaste ?) mais je n'arrive pas à m'empêcher d'enchainer les parties de Super Copter sur mon téléphone. Soyons clair, j'adore la musique éthiopienne et l'idée de mélanger ce typede sonoritées avec d'autres issues des Balkans ou du Soudan est appréciable mais je n'y arrive juste pas (peut-être à cause de la chemise hawaïenne suscitée).
La donne change totalement lorsque Mulatu Astatke arrive sur scène. Accompagné d'un nouveau groupe composé d'une partie des Heliocentrics (groupe londonien exeptionnel que vous devriez déjà être en train de chercher sur Google dès maintenant) et de nouveaux musiciens issus de projets différents,
Mulatu Astatke parvient à réinventer sa musique.
Je ne sais plus qui a écrit : "Personne ne devrait écrire 20 romans s'il n'est pas capable d'écrire comme 20 personnes différentes" mais selon moi, cela s'applique de manière égale à la musique. Et Mulatu (soyons familier et permettons-nous de l'appeler par son prénom)
a parfaitement compris cela et l'essentiel de sa production est contenu dans un cd regroupant différentes sessions à New-York, Londres et Addis Abeba. Un peu plus d'une cinquantaine de chansons tout au plus : toutes étant l'Ancien et le Nouveau Testament de ce que l'on nomme l'"éthio-jazz".
Depuis cela, certains de ces morceaux ont été (brillamment) utilisés dans la bande originale du film Broken Flowers (de Jim Jarmush) et Mulatu est devenu un peu plus connu en dehors de l'Ethiopie.
Cependant, au lieu de sortir un nouvel album vide de sens et prétexte à une tournée vaseuse, Mulatu a choisi de travailler
avec les Heliocentrics, insufflant ainsi à ses morceaux une nouvelle vie. Il ne cesse pas depuis. L'ajout d'un instrument (un violoncelle) et le retrait d'un autre (la guitare) permettent aux morceaux de nouveaux développements.
Les thèmes joués sont les mêmes qu'il y a deux ans (lors de son précédent passage dans cette même salle) mais la musique ne l'est pas : elle vit, évolue au gré du temps et selon la sensibilité des différents musiciens. Les formes ne sont pas figées mais en constante évolution. Et cela est amplement suffisant pour faire un concert magistral.
Alors lorsque l'on s'entoure de musiciens aussi bons le résultat est au-delà des mots. |