Comédie dramatique écrite et mise en scène par Rodrigo García, avec Nuria Lloansi, Juan Loriente et Gonzalo Cunill.
Le spectateur sort rarement indemne d'un spectacle de Rodrigo Garcia.
Créé en 2006, "Et balancez mes cendres sur Mickey" a fait couler beaucoup d'encre davantage quant à la gestuelle scénique de ce théâtre essentiellement performatif et ses scènes-choc détachées de leur contexte, dont notamment celle de la femme tondue, qui dérangent que sur le fond du propos.
Celui-ci s'inscrit dans une des thématiques récurrentes du dramaturge et metteur en scène hispano-argentin qu'est la société de consommation et plus largement la contestation du système capitaliste.
Dénonciation, provocation, questionnement, il y a un peu des trois dans sa démarche synthétisée par un texte radical qui cible la nature dévastée remplacée par l'artificialité de concentrationnaires parcs de loisirs, l'anomie des villes, l'inféodation aux nouvelles technologies qui assurent la multi-connexion permanente d'individus de plus en plus isolés dans la solitude et la virtualité, l'uniformisation, première étape de déshumanisation et le consumérisme érigé comme véhicule existentiel.
La partition textuelle est distillée en voix off avec projection en fond de scène des sous-titres ou de manière mécanique en espagnol par les officiants (Nuria Lloansi, Juan Loriente et Gonzalo Cunil). Force est de constater que la singularité de ce qui se déroule sur la scène a tendance à monopoliser l'attention du spectateur non hispanophone.
Rodrigo Garcia transforme la scène en champ de bataille et de résistance contre un monde dévoyé qui a perdu la pureté originelle et obscurcit les consciences. Trois individus, trois corps furieux, exécutent des rituels d'exorcisme et des tableaux animés à la composante mystique ponctués de contrepoints tel le "head-fucking" entre Montaigne et Rousseau, les deux laudateurs du bonheur d'exister.
Et il faut lutter pour ne pas mourir dans l’uniformité grise d’une société mortifère représentée par cette auge de glaise dans laquelle plongent les corps avant de se débattre contre l'engluement. Comme les rats qui surnagent dans un aquarium, mais une main salvatrice les repêche : en sera-t-il de même pour les hommes ?
Difficile de gloser davantage sous peine de verser dans le travers dénoncé in limine. Les années passent et le spectacle n'a rien perdu de sa virulence et de son acuité. |