Comédie dramatique d'après le texte éponyme de Svetlana Alexievitch, adaptation et mise en scène de Stéphanie Loïk, avec Nadja Bourgeois, Heidi-Eva Clavier, Lucile Chevalier, Véra Ermakova-Kouznetsov, Marie-Caroline Le Garrec, Adrien Guitton, Martin Karmann, Abdel-Rahym Madi et Jérémy Petit.
La Russie nouvelle, fille dénaturée de l’U.R.S.S., elle-même enfant criminel de la Sainte Russie, celle des empereurs et des moines fous… . Où commence et où finit le temps dans un pays-continent si vaste, si contenu, où la nostalgie enivre autant que l’alcool de blé et de pommes des champs ?
Dans "La fin de l'homme rouge", l’auteur, un écrivain qui fut journaliste, tendant le micro pour des entretiens où l’on se livre, sans le savoir, à l’âme-centrifugeuse d’un romancier, commence son récit à la mort de Staline (au moment de son enfance) et s’élance vers maintenant, en égrenant les noms des chefs successifs, connus, apôtres du bond en avant, de la transparence, de la décongélation, du profit, du nationalisme.
Pour finir dans la brutalité économique, la solitude, l’isolement, la mort de la camaraderie, et "la petite eau" (vodka) qui refait de tout russe, au crépuscule, un poète du regret.
Stéphanie Loik, le metteur en scène, a rassemblé une troupe de jeunes gens brillants et habités, statues sorties d’une composition à la gloire du socialisme, se dégourdissant les membres avec stupéfaction.
Jacques Labarrière et Véra Ermakova les font chanter, merveilleusement, tandis que la lumière de Gérard Gillot les enveloppe comme des fantômes. Ils parlent, comme s’ils se libéraient, ils se souviennent, pour exister, garçons plein d’enthousiasme, femmes aimantes et mères déchirées - la guerre, la poésie-puits, la misère menacent leurs fils, hydres fardées - peuple, en un mot, en marche, en colère, en fusion, en réduction.
Stéphanie Loik, de la berge, surveille ce fleuve qui déborde, cette crue de paroles et de soulèvement. Il y a de la magicienne chez elle à vouloir et à parvenir à contenir ce flot.
Nadja Bourgeois, Heidi-Eva Clavier, Lucile Chevalier, Véra Ermakova, Marie-Caroline Le Garrec, Adrien Guitton, Martin Karmann, Abdel-Rahym Madi et Jérémy Petit, incarnent ce peuple russe.
La prose de Svetlana Alexievitch - Prix Nobel de Littérature - est éclairée par le travail remarquable de Stéphanie Loik, tout cela dans les murs de l’Atalante, lieu de création, de qualité et d’audace.
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