Ma mère avait ce geste. La formule, loin d’être anodine, renvoie immédiatement aux petits détails qui ont meublé notre enfance, ces gestes auxquels nous ne faisions pas vraiment attention, qui ressurgissent soudainement comme des bulles de souvenirs venues du fin fond de la mémoire de l’enfant que nous fûmes. Et que nous sommes peut-être toujours un peu, du moins je vous le souhaite.
Alain Rémond fait de sa vie des romans dont certains sont devenus de grands succès d’édition. Forcément nostalgique, il raconte sa jeunesse à travers plusieurs œuvres intimes. Dans Ma mère avait ce geste, il raconte la maladie, la sienne, le cancer contre lequel les cellules de son corps luttent, mais aussi la maladie de sa mère, le cancer qu’il fallait absolument taire, ce mensonge organisé dont il a été le complice.
Et pourtant, le roman n’est pas triste, ni accusateur de stratégies médicales opaques. Alain Rémond manie l’art de la mélancolie heureuse, il a le ton des repas de famille, quand les adultes évoquent leur enfance et que les jeunes les écoutent religieusement pour ne pas rater une miette de ces anecdotes datées d’une époque mystérieuse qui fait briller les yeux et s’agiter les mains des anciens.
C’est avec une grande sincérité que l’auteur transpose l’amour qu’il porte à sa mère dans ces pages. Chaque chapitre est un récit d’un moment partagé avec sa mère disparue. Pudique et habité par une émotion qui fait écho dans nos petits cœurs d’enfants chéris de nos mamans, Ma mère avait ce geste renvoie à notre propre enfance. Et si nous écrivions le livre de notre enfance, que raconterions-nous ? Quelles étapes nous ont fait devenir la personne que nous sommes aujourd’hui ? Quel parent sommes-nous ?
Roman hommage à sa mère et à toutes les autres, c’est l’âme étreinte de sourires et l’esprit évadé dans des effluves de passé que vous refermerez ce roman, comme on replie un écrin en retenant la charnière pour ne pas qu’il claque, histoire de ne pas réveiller les monstres enfouis sous le lit.
Nathalie Bachelerie
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