La
saison des Master Classes 2008-2009 est achevée mais
le public fidèle ne devra pas attendre la rentrée
pour retrouver Jean-Laurent Cochet
sur les planches.
En effet, il sera tout l'été à l'affiche
du Théâtre La Pépinière-Opéra
avec "Aux deux colombes " de Sacha Guitry, et jouera
également en province, notamment au Festival de théâtre
au Château de Terre-Neuve à Fontenay-le-Comte.
Par ailleurs, dès septembre 2009, il sera sur la scène
du Théâtre 14, dans un rôle inattendu, dans
"Les femmes savantes " mis
en scène par un de ses anciens brillants élèves,
Arnaud Denis.
Comment se porte le spectacle "Aux deux
colombes" de Sacha Guitry que vous avez repris depuis plus
d’un mois, et pour tout l’été, à
la Pépinière Opéra après plusieurs
mois de représentations en 2008 ? Le public manifeste-t-il
toujours autant d’enthousiasme ?
Jean-Laurent Cochet : Absolument. C’est ce que l’on
espérait mais c’est aussi une bonne surprise parce
que nous l’avons beaucoup joué et il y a eu ensuite
la tournée, qu’il fait très chaud, que c’est
une période où les gens sortent moins. Ca marche
bien, il y a beaucoup de monde et le public est ravi. Je crois
que nous réalisons les meilleures recettes de l’été
au sein des théâtres qui sont encore ouverts. Guitry
plait et continue d’enchanter et ses interprètes
et son public.
Pour le dernier entretien de la saison, je vous propose une
interview un peu "people" mais auparavant il y a quelques
personnes et personnalités que vous avez évoquées
au cours des Master Classes, qui constituent notre fil rouge,
et dont nous n’avons pas eu le temps de parler. Commençons
par Pierre Louÿs
Jean-Laurent Cochet : Ah oui Pierre Louÿs.
C’est drôle parce que je viens d’en parler
avec deux élèves qui sont venus travailler avec
moi et nous évoquions "l’affaire Molière"
qui est sous les feux de l’actualité littéraire
mais qui a commencé avec énormément de
tintouin, au début du 20ème siècle, grâce
à Pierre Louys qui était un très fin lettré,
un homme très cultivé et très érudit,
un poète avant tout. Son œuvre dont la plus connue,
celle qui l’avait rendu plus notoire, c’est les
fameuses "Chansons de Bilitis" dont ensuite Arthur
Honegger avait fait une opérette Il était allié,
je ne saurai vous dire comment, car c’était une
famille tellement curieuse, à la famille de Henri de
Régnier et à celle de José de Heredia.
Il était manié à une des
ses filles, poète et critique qui avait pris un nom d’homme,
Gérard d'Houville, et il était lié à
ces mondains de qualité et à tous ces précieux
intelligents. Il a fait de très beaux vers qu’on
disait beaucoup il y a jusqu’à une cinquantaine
d’années quand on a commencé à moins
dire de poésie quelle qu’elle soit - sauf la mauvaise
- et c’est lui qui a créé un scandale en
mettant au jour toutes ses recherches faites à propos
de Corneille auteur des pièces de Molière. Et
nous en reparlons aujourd’hui avec les nouveaux auteurs
qui ont marché sur ses traces.
Mais ce qu’il faudrait, c’est le
redécouvrir comme poète. C’était
un poète comme il y en avait pas mal à cette époque-là,
dans les années 20, Jean Moréas avec Léo
Larguier, Paul-Jean Toulet, lui qui est un grand des petits
maîtres, de vrais poètes extraits plus qu’issus
du symbolisme et du romantisme qui ont fait partie de toutes
ces petites écoles des gens d’humour, les mélancoliques
humoristes, qui a été une école très
fructueuse en France. Pierre Louys est un vrai bel auteur de
lyrisme intime.
Faisons un bond dans le temps avec un auteur
contemporain que vous citez souvent : Jacques Mougenot
Jean-Laurent Cochet : On pourrait presque dire
en ce moment - je dois veiller à n’oublier personne
- mais j’ai envie de dire que c’est le seul auteur
dramatique qui soit un écrivain en même temps du
moment et de sa génération. Il vient d’avoir
50 ans mais pour moi c’est encore de la génération
des 40 ans. Certes il y a toujours des gens qui font une pièce
dont on dit "c’est pas mal", comme Sébastien
Thiéry avec "Cochons d’inde", dont on
dit qu’il "fait son métier", qu’il
est "doué", dont on dit "à suivre".
Mais lui, Mougenot, manifeste un réel talent d’écrivain
et d’auteur inventif, original et qui tient le coup, parce
que je me suis rendu compte dans plusieurs auditions récemment,
quand ils ont fait des lectures pour reprendre la pièce,
quand on réentend "La carpe du duc de Brienne",
qui était sa vraie première pièce, ça
tient admirablement et prouve que c’est déjà
un auteur consacré. Et bon comédien en plus.
Lui et son frère travaillent également
ensemble et je peux d’ores et déjà parler
d’une semaine qui me touche beaucoup au merveilleux Château
de Terre Neuve en Vendée, où je vais jouer ma
carte blanche tous les ans, à Fontenay-le-Comte. Il s'agit
d’une semaine théâtrale qui se déroulera
du 20 au 27 juillet 2009, une semaine que l’on peut appeler
"cochetienne", qui commencera par deux soirées
Luchini avec son spectacle "Le point sur Robert",
puis le spectacle des frères Mougenot, "La fourmi
et la cigale", ensuite "La jument du roi" de
Jean Canolle avec Marina Cristalle, Axel Blind, Jean-Laurent
Silvi, mes anciens élèves devenus mes assistants
et moi avec ma carte blanche qui comportera notamment des chansons
des textes et des histoires. Voilà.
Madeleine Robinson
Jean-Laurent Cochet : Ah oui on pourrait en
parler énormément. D’abord ça a été
une immense amie à partir du jour où je l’ai
connue et puis certainement, et là aussi il faut se méfier
de dire la plus grande, car il y a eu de grandes comédiennes
dans sa génération. Il y en a eu des grandes mais
certainement après Gaby Morlay et Yvonne de Bray et celles
qui avaient 20 ans de plus qu’elle, elle a été
la plus grande. C’était une femme d’une beauté
et d’un tempérament exceptionnel ce qui a fait
croire aux gens qu’elle avait mauvais caractère
parce que quand on la faisait jouer avec des amateurs elle n’était
pas contente et elle le faisait savoir.
En
fait c’était une femme d’une grande exigence
et qui jouait aussi bien la comédie, je pense à
"Adorable Julia" de Marc-Gilbert Sauvageon dans laquelle
elle était géniale, aussi bien qu’à
toutes les pièces modernes dramatiques qu’elle
a créé, comme "La grande fille toute simple"
de André Roussin ou "Bonne fête Ester"
de Terence Rattigan, et, pour ma part, j’ai eu le bonheur
de lui faire jouer Elmire, quand j’ai monté "Tartuffe",
rôle dans lequel elle était remarquable.
C’était une comédienne
de la grande tradition des Réjane, ces femmes avec des
moyens extraordinaires, moyens émotionnels, moyens vocaux,
qui savaient ne pas toujours s’en servir qui savaient
également jouer en demi-teinte. Elle avait une sensibilité
d’une profondeur étonnante, toujours renouvelée.
Et en même temps, elle était très intelligente.
Il y avait eu une reprise de "Les parents terribles"
de Jean Cocteau, mis en scène par Jean Marais, et contrairement
à ce qu’on imaginait, qu’elle allait reprendre
le rôle de la mère qui avait été
joué par Yvonne de Bray - et elle aurait été
géniale - elle a repris le rôle de la tante joué
par Gabrielle Dorziat dans lequel elle a été extraordinaire
parce qu’elle savait manier tous les sentiments. C’est
une femme qui a beaucoup souffert dans sa vie sentimentale,
elle a aussi été très heureuse, mais naturellement
elle faisait partie de ces rares femmes qui sont toujours les
plus fortes. Il y a un vers de Lucie Delarue-Mardrus qui dit
: "Je ne suis après tout si forte que par la faiblesse
d’autrui". Elle a rarement trouvé en face
d’elle un homme de sa dimension.
En parlant de dimension, il y a eu aussi Odette Laure, qui mesurait
1m50. Ce n’est pas une question de taille, ni de petitesse,
c’est une question d’envergue, d’exigence,
d’abondance, de générosité, de sentiment
: elles ont toujours un peu la femme qui aimerait pleurer dans
les bras de quelqu’un alors que ce sont les autres qui
viennent pleurer dans leur giron. Elle en a profité et
elle en a fait profiter son art surtout. Elle était devenue
tellement exacerbée, déchirée par le mal
qui commençait à Paris et autour d’elle.
Elle a vu le commencement de ce que nous vivons en ce moment.
Elle ne le supportait plus et elle est allée s’installer
en Suisse.
Elle revenait de temps en temps pour jouer
avec un partenaire qu’elle aimait bien ou une pièce
qui lui plaisait. Mais elle jouait surtout là-bas dans
les très beaux théâtres à Genève
et aux alentours où elle a joué notamment "La
visite de la vieille dame" de Durrenmatt. Elle a donc continué
sa carrière et également à faire du cinéma
jusqu'au moment où, moins bien portante, elle s'est sentie
un peu diminuée, ce qui la taraudait beaucoup, jusqu'au
moment où, et on peut le dire maintenant, ce qui n'a
pas été dit à l'époque, elle a profité
de ce que en Suisse, avec l'accord des médecins, et comme
ce fût le cas récemment avec Maia Simon, on peut
disparaître.
Toute sa vie elle a été une femme,
contrairement à l'impression qu'elle pouvait donner dans
certains rôles de fougue, une femme d'une grande noblesse
d'une grande dignité, de beaucoup d'élégance
et de goût. Je ne vois pas qui en ce moment on pourrait
lui comparer comme envergure de comédienne. En France,
en tout cas, il n'y en a pas. Ce n'est d'ailleurs pas la peine
de chercher. Même dans sa génération. Jeanne
Moreau c'était différent, ce n'est pas le même
emploi, ni le même caractère ni le même tempérament
Madeleine s'inscrivait dans la grande tradition des monstres
sacrés. On pouvait ka comparer à Magnani en Italie.
Et ça il n'y en a plus
Je voudrai vous faire réagir sur l'actualité….
Jean-Laurent Cochet : … vous n'allez pas me parler de
Michael Jackson…Je crois, je disais cela à un ami
hier, qui me répondait "Tu as peut-être raison",
je crois - là aussi je me singularise - c'est pour cela
que tout cela m'apparaît un peu disproportionné,
je crois que je suis le seul individu, j'ai peut-être
entendu son nom en le mélangeant avec un autre, à
n'avoir ni vu ni entendu Michael Jackson.
Le sujet est donc clos. Mais il n'y avait pas que lui sur ma
liste, un peu nécrologique. Il y avait aussi Roger Planchon.
Jean-Laurent Cochet : Il est mort comme tout
le monde. Si ce n'est que Planchon, et c'est toujours à
travers soi qu'on situe les individus, m'a aidé quand
j'ai compris que j'étais encore dans Comédie Française
qui n'était plus la bonne, qui quand je suis allé
voir ses premiers spectacles, et je dis bien ses premiers spectacles,
m'a fait comprendre ce qu'on pouvait faire d'autre - pas forcément
dans l'esprit où il le faisait - mais qu'on pouvait effectivement
ne pas rester comme ça, bouche ouverte, devant des classiques
tels qu'on les avait vus bien joués et qui n'étaient
plus que bien imités ou médiocrement traditionalistes.
Il a fait partie de ce qui m'a donné envie de quitter
la Comédie Française.
J'ai
beaucoup aimé ses premiers spectacles, ses Shakespeare,
quand il était très humble et qu'il les montait
avec sa compagnie avec des costumes en toile de jute, "en
toile de juif" comme disait une habilleuse du Français
qui ne pouvait pas dire un mot s'il ne pouvait évoquer
quelque chose d'autre pour elle. "Oh Monsieur Cochet il
a tendu toute sa loge en toile de juif!" (rires).
J'avais vu et ce qui m'avait énormément
séduit, "Les trois mousquetaires" tout cela
était très drôle, mais surtout "La
surprise de l'amour". J'avais beaucoup aimé et je
me suis dit : "Voilà un homme autodidacte mais qui
est quand même amoureux des grands textes, qui en a donc
une vision très personnelle, mais dans le droit fil de
ce qu'avait voulu l'auteur" ; on ne prenait pas le contre-pied
automatiquement pour avoir l'air des idées. Il avait
des idées spontanément mais nées de l'œuvre,
qui ne prenait pas l'œuvre à rebrousse poil.
Ca m'avait énormément séduit
comme son "George Dandin". Et puis d'autres choses,
mais pas tout, comme son "Tartuffe", le fait qu'il
l'ait fait jouer à Françoise Seigner qui a été
ma Dorine aussi. Et puis j'avais beaucoup d'estime et de respect
pour cet homme-là qui a été beaucoup trahi
après par des gens qu'on pourrait dire de son école
ou de son style, qui s'inspiraient de lui ou qui revendiquaient
d'être des adeptes et qui n'avaient pas le dixième
de son talent. Ah oui c'est une belle carrière, un beau
parcours théâtral.
Un troisième : Pina Bausch, un nom qui vous parle ?
Jean-Laurent Cochet : Comment vous dire ? Ce n'est pas moi
qui vais me mêler de déboulonner les statues. J'avais
vu une fois un spectacle de Pina Bausch et je m'étais
dit que je n'y retournerai pas. C'est tout. Et je crois que
tout ce qu'elle présentait ressemblait effectivement
à celui dont je m'étais dit : "Mais où
est la danse dans tout ça ?". Alors c'est sûrement
moi qui ai, tort puisqu'on enterre, paraît-il, une très
grande chorégraphe. Mais cela ne me concerne pas.
Un dernier sujet d'actualité la nomination de Frédéric
Mitterrand au poste de Ministre de la Culture.
Jean-Laurent Cochet : Ah ça ! Je suis
ravi. Peut-être ai-je tort je l'ai connu et bien approché
- il faudra que le lui mette un mot pour le féliciter
- il y a une vingtaine d'années, dans les années
où j'étais à Hébertot par l'intermédiaire
d'une amie personnelle merveilleuse Suzanne Blareau qui était
la femme du fameux chef d'orchestre Richard Blareau qui était
l'amie d'Edith Mitterrand que j'avais donc approchée
et par conséquent Frédéric qui est son
fils. Il venait me voir régulièrement à
Hebertot et je faisais avec lui beaucoup de ses émissions
de télévision que j'aimais comme son livre et
ses films. Je me suis toujours trouvé en face d'un homme
de goût, d'un homme d'esprit, un homme qui sait admirer
qui a de l'humour et du charme. J'avais été très
séduit par son personnage.
Quand je disais cela on me répondait
: "Ah oui ce monsieur qui est tellement précieux,
tellement ceci, tellement cela" ; on l'accablait de toute
une série de termes - je ne l'avais jamais connu sous
ce jour là - et donc je ne sais pas à qui il a
pu se montrer de cette manière-là. Cela ne m'intéresse
pas plus qu'on disait de Madeleine Robinson "une chieuse
éperdue". Ce qui fait plaisir, je ne sais pas ce
qu'il fera au point où en est la culture chez nous, je
ne sais pas par quel biais il va arriver à faire ce qu'il
a envie de faire, je ne sais ce qu'il a envie de faire, je ne
sais pas de qui on va l'accompagner, ce qu'on lui demandera
et ce qu'on lui laissera faire ou pas, mais au moins ça
fait des années - Aillagon aurait pu peut-être
- que c'est la première personnalité artistique
qu'on nomme à ce poste depuis..., je n'ai pas un nom
qui me vienne, depuis des décennies, de quelqu'un qui
s'y connaisse à ce poste-là !
Que ce soit les Toubon, les Lang, les n'importe
qui de droite ou de gauche, surtout de gauche pour faire bien
! Ils n'y connaissaient rien. Quant à la dernière
n'en parlons pas! On ne savait ce que c'était que ce
ministère où il faut s'occuper de tout et de rien
sans connaissances, avec l'ignorance crasse des choses, avec
des gens complètement snobs, à la mode ne sachant
pas. Là je crois quand même - peut-être vais-je
être déçu je ne l'espère pas - je
vois venir Frédéric avec un grand espoir. A suivre
donc !
Voici maintenant les questions futiles, quoi que, du genre
"interview pour un magazine féminin pour finir sur
un ton léger de mise à la période estivale…
Jean-Laurent Cochet : … vous ne me demandez pas comment
se sont passées "Les femmes savantes"?
Je gardai ce sujet pour la fin en pendant à la question
première sur les colombes…
Jean-Laurent Cochet : … vous êtes
parfaite !
Le
spectacle de la saison que vous auriez regretté de ne
pas avoir vu ?
Jean-Laurent Cochet : J'en ai vu si peu. Bien sûr "La
framboise frivole" mais je les vois chaque fois qu'ils
viennent à Paris. Vraiment regretté avec passion
en se disant c'est la soirée magique, cela ne me saute
pas à l'esprit. J'ai été ravi en tout cas
de voir "Cochons d'inde".
Celui que vous regrettez d'avoir vu ?
Jean-Laurent Cochet : Il y en a trop ! (rires). Tous les autres.
Sauf "Baby doll" car Mélanie Thiéry
et Xavier Gallais y étaient remarquables.
Le film dont vous conseilleriez l'achat en DVD ?
Jean-Laurent Cochet : Il y en a tellement !
Ca a été une année de cinéma merveilleuse!
Le premier qui me vient à l'esprit parce que c'est étonnant,
il s'agit d'un film français, c'est même un téléfilm
: "La journée de la jupe" avec Adjani qui était
su-bli-me, contrairement à ma chère Isabelle Huppert
que j'ai vu dans un film que j'ai personnellement trouvé
minable. Ensuite "Le déjeuner du 15 août"
un film italien de Gianni Di Gregorio, "La vague"
un film allemand de Dennis Gansel, le film de Clint Eatswood
"Gran Torino" qui est un chef-d'oeuvre, le film avec
Brad Pitt et leurs partenaires. Ah j'en oublie certainement
même parmi les meilleurs.
Et pour ma part, j'ai eu le bonheur de voir
toute une série de films de style que je n'avais jamais
vu de ma vie parce que ce n'était pas par ça que
j'étais attiré et parce que je n'avais pas le
temps, qu'un ami m'a fait découvrir mais avec passion,
avec adoration : toute la série des films avec Sylvester
Stallone. Pour moi c'est immense à tous points de vue
et puis certains films pas réellement de science-fiction,
qui est un genre pour lequel je suis toujours un peu sur la
défensive, mais des films comme le dernier Batman "Batman
the dark night" pour Heath Ledger, qui est peut-être
pas son dernier rôle mais son avant dernier, qui est merveilleux.
Donc "Le déjeuner du 15 août"
et "La vague", les autres ont fait un énorme
succès. Mais il y a des choses à voir en ce moment
ou qui vont sortir : un dessin animé japonais "Ponio",
un dessin animé "L'âge glace 3", le premier
film américain de Marion Cotillard, "Public Ennemies"
avec Johnny Depp, "Jeux de pouvoir" de Kevin Macdonald
qui est sorti hier et que j'ai envie de voir ce que donne un
film français à petit budget - qui sont parfois
les meilleurs - "Dans tes bras" de Hubert Gillet et
dans un premier rôle plutôt dramatique Michèle
Laroque. Et puis le Woody Allen "Watever Works" ;
dès que j'ai deux heures j'y cours.
Le
disque qui est sur votre platine.
Jean-Laurent Cochet : Il y en a un qui est sur ma platine tous
les soirs, c'est la musique de scène de "Aux deux
colombes" qui est le quintet de "La retraite des français
à Madrid" de Boccherini. Chaque thème est
une marche de plus qu'on monte vers le paradis. C'est extraordinaire
d'élégance et de jubilation. Sinon, je vais certainement
avoir très vite car un grand ami à moi mon éditeur
m'a dit qu'on venait de ressortir les cinq derniers leaders
par Teresa Stich-Rendall
Votre livre de chevet et votre livre du moment.
Jean-Laurent Cochet : Oh le livre de chevet : je ne vais pas
répondre la Bible comme on le répond souvent,
même si c'est vrai. Je suis toujours entouré par
3 ou 4 Georges Haldas qui sont à portée de ma
main car c'est définitivement mon grand homme. Donc comme
livre du moment j'ai "Vertige du temps" qui est un
de ses derniers livres et… et puis voilà.
Si je vous disais que va être inséré un
jour fictif supplémentaire? à l'instar de la 25ème
heure lors du passage à l'heure d'été,
qu'en feriez-vous ?
Jean-Laurent Cochet : J'attendrai de voir ce que j'ai envie
d'en faire, j'attendrai de voir si je me lève plus tôt
ou plus tard que d'habitude, je prendrai mon petit déjeuner
- qui n'est pas vraiment un petit déjeuner puisque je
ne prends qu'un thé le matin - je ferai mes mots croisés
si les journaux paraissent ce jour supplémentaire, je
regarderai s'il y a des choses à voir au cinéma
et puis je ferai ce que je fais d'habitude. A moins qu'une fée
ne m'emmenât sur un tapis volant en douze heures sinon
en 24 à Venise.
Vous lisez dans mes pensées car la question suivante
était ainsi libellée : Si je vous disais que je
viens demain vous chercher à 8 heures pour passer la
journée dans le lieu de votre choix où irions-nous
?
Jean-Laurent Cochet : A Venise sans hésiter même
s'il y a d'autres endroits où aller mais je ne peux pas
avoir envie d'aller ailleurs qu'à Venise. Vous me direz
les heures de vol….
… pas de souci je connais les horaires d'Air France par
cœur et c'est faisable en une journée pour prendre….
Jean-Laurent Cochet : … le petit déjeuner
au Florian. Et puis ce qui est toujours faisable est de rater
l'avion le soir (rires)… et d'ajouter une deuxième
journée supplémentaire. C'est cela la vraie féerie.
Et cette deuxième journée supplémentaire
étant prise, c'est logique, sur une des journées
de la semaine qui suivrait (rires). Oh c'est beau de rêver
! Mais ce que vous me demandez ne me surprend pas du tout. "Mon
amie, ma sœur, viens goûter la douceur d'aller là-bas
vivre ensemble là tout n'est qu'ordre et beauté,
luxe, calme et volupté".*
Ou alors, c'est un privatif joker mais je tiens
à ce qu'on le dise, il n'y a sûrement que 2 ou
3 personnes qui comprendront parce que ça ce n'est pas
facile à faire dans la journée mais on se démerderait
pour avoir des avions supersoniques et j'irai passer cette journée
supplémentaire à La Réunion. Point à
la ligne.
Revenons à la réalité et à l'actualité
avec "Les femmes savantes".
Jean-Laurent Cochet : Avant tout "Les
femmes savantes" dans la mesure où les deux colombes
c'est la suite de quelque chose, c'est le bonheur du jour, c'est
l'actualité. Mais le fait d'avoir fait une incursion
la semaine dernière au Festival d'Anjou avec cette pièce
que nous venions de répéter pendant un mois pour
la jouer une fois sachant qu'on allait la reprendre en septembre
et en octobre 2009 au Théâtre 14, c'est devenu
la chose, sinon la plus attractive, du moins la plus accaparante.
Cette soirée en Anjou a été divine parce
qu'elle s'est déroulée par un temps exquis. On
n'a eu ni le cagnard qui peut être épouvantable
quelquefois ni la pluie qu'on redoute tant. C'était absolument
délicieux. Ca s'est passé devant 1 700 personnes
qui avaient l'air aussi ravies que nous.
Le spectacle s'est très bien déroulé
et il a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme
et ma prestation féminine (ndlr : dans le rôle
de Philaminte) a été agréée. Ce
qui est amusant, c'est naturellement à mon entrée
en scène, même pour ceux qui savaient, et les gens
le savaient et c'est pourquoi ils venaient en grande partie,
il y a eu l'effet de surprise de voir que je sois une dame tellement
crédible ressemblant plus à Françoise Rosay
et à Françoise Seigner qu'à Brigitte Fossey
naturellement. Donc première surprise et puis aaah applaudissements
et nous avons continuer la pièce.
J'avais vraiment l'impression autant qu'eux
que je jouais un rôle parmi d'autres, qu'au lieu d'être
un prêtre ou un salaud ou un enfant de choeur ou un professeur
de maintien, j'étais une bourgeoise érudite. Ce
qui m'a fait plaisir c'est que les gens qui m'en ont parlé
après, des amis mais aussi d'autres personnes, m'ont
dit que ce qui était agréable c'est que c'était
sans aucune ambiguité. Ce n'était pas du tout
burlesque pour qu'un monsieur joue une dame, et il ne faut pas
oublier que c'est un homme qui l'avait crée avec Molière,
le comédien Hubert, sans le côté "je
joue une dame donc je fais la folle", sans outrance particulière,
sans réelle composition sinon que j'étais maquillé
et que je portais une perruque et une robe. Mais ce sont des
rôles tellement riches, tellement abondants, comme chez
tout grand auteur, que ce soit Molière ou Corneille,
c'est pourrait-on dire bisexuel d'une certaine manière.
Oui ça s'est merveilleusement passé .
Le bonheur est de se dire que maintenant on
va le jouer dans une plus petite salle, ce qui va être
agréable de ne pas avoir - ce n'est pas qu'on transpose
ça fait partie de notre métier - à respirer
tellement plus large, à soutenir les moyens en plus parce
que c'était en plein air. Donc cela va être beaucoup
plus souple, beaucoup plus aisé, beaucoup plus payant
encore. Nous allons répéter à partir du
1er septembre et les représentations commencent le 8
septembre pour deux mois.
Le fait de jouer ce rôle vous a apporté un regard
nouveau sur la pièce ?
Jean-Laurent Cochet : Non cela ne m'a rien appris de plus si
ce n'est que j'ai le bonheur d'être dirigé par
mon ancien élève, le merveilleux Arnaud Denis,
qui m'a très bien guidé et m'a précisé
certaines choses. Ca ne m'a rien appris sur les personnages
car ce sont des pièces que je connais depuis si longtemps,
que j'ai vu si souvent bien ou mal jouées, que j'ai si
souvent indiquées. Non c'était le plaisir simplement
de parler en son nom. Et c'était très agréable
et comme je l'ai dit à Arnaud Denis qui est venu voir
"Aux deux colombes" hier soir, c'est drôle parce
qu'à certains moments, alors que je joue le rôle
d'un homme dans cette pièce, je me disais que c'est drôle
de jouer en homme. Parce deux jours auparavant j'avais joué
un rôle de femme et que cela m'était apparu comme
une chose absolument évidente.
Et
le fait d'être dirigé par un de vos anciens élèves
?
Jean-Laurent Cochet : J'avais un peu l'impression d'être
dirigé par moi-même à travers la voix d'un
autre. Parce que c'est un remarquable directeur de comédiens
qui fait faire d'énormes progrès aux gens de toutes
générations. Il sait leur parler, il a des idées
très justes, très fidèles à l'auteur
et très personnelles en même temps. Il y a des
choses où il a, non pas des innovations ou des trouvailles
comme on passe le temps à le dire, mais une vue un peu
plus aiguë et il indique très bien. Il manœuvre
très bien sa troupe et, de plus, il fait cela avec autant
de fermeté que de courtoisie ; il est très psychologue.
Ca a été un vrai bonheur et c'est une équipe
tout à fait délicieuse.
Vous les connaissiez déjà car la plupart est
issue de votre cours ?
Jean-Laurent Cochet : Oui. Beaucoup sont d'anciens élèves,
tels Elisabeth Ventura, Alexandre Guansé et le petit
Stéphane Peyran. Puis j'ai retrouvé Anne-Marie
Mailfer et Jean-Pierre Leroux qui est remarquable dans Chrysale,
Nicole Dubois qui est une exquise comédienne, et un homme
que je ne connaissais pas Bernard Métraux.
Ce qui vous réjouit le plus pour les trois mois à
venir, trois mois avant la reprise des Master Classes en octobre
?
Jean-Laurent Cochet : Elles reprennent en octobre
? Ah oui, ce sont les cours qui reprennent en septembre. Mais
c'est vrai que je me repose entièrement sur Pierre Delavène
qu'il faut re-citer une fois de plus. Il faut lui rendre hommage
car il est exceptionnel. Il s'occupe de tout admirablement,
il a des initiatives, des fidélités, des inventions
- c'est grâce à lui que nous allons faire un échange
avec un cours américain pour la saison prochaine –
et il s'occupe de tous mes spectacles de l'été.
Ainsi nous allons rejouer la "Correspondance inattendue"
au Château de Montardy. Il est partout avant moi, avec
moi, il conçoit tout, réinvente tout, s'occupe
des cours et de la compagnie. C'est Protée sans oublier
son talent de comédien. C'est mon mentor !
Pour moi en ce moment je peaufine, et il faut
que j'ai fini pour la fin de la semaine, ma carte blanche pour
la Vendée. J'y tiens énormément parce que
je vais retrouver Philippe Davenet, mon pianiste, puisque cette
carte blanche comportera tout un volet "chansons"
dans lequel je reprendrai beaucoup de celles que je chantais
dans mes "poétiques".
Sinon le gros travail pour ces mois à
venir - et j'allais presque l'oublier parce que c'est le tissu
de mes journées - c'est la correction des épreuves
de mon troisième livre qui va paraître en janvier
2010 et que j'ai écrit avec Jonathan Ryder qui est reparti
pour plusieurs mois à La Réunion… suivez
mon regard…qui le corrige également et, grâce
à toutes ses machines que possèdent Pierre et
Olivier Leymarie, ce sont des échanges journaliers. C'est
mon pain quotidien et voilà mon été.
Un gros travail et un vrai plaisir ?
Jean-Laurent Cochet : Une ivresse ! L'enjeu du livre c'est
l'art du comédien avec une galerie de grands personnages
du théâtre classique dont je dénonce de
mauvaises interprétations ou de mauvaises conceptions
en racontant comment moi je les ai joué. Son sous titre
sera "Comme un supplément d'âme" et le
livre sera signé par Bibi Fricotin et Jonathan Ryder.
Ce sera comme vos deux livres précédents un mélange
d'histoire du théâtre et d'autobiographie ?
Jean-Laurent Cochet : Le cœur du livre est constitué
par la galerie de personnages du répertoire mais il comportera
des échappées biographiques.
Donc rendez-vous en janvier 2010 dans les kiosques pour le
découvrir. |