Réalisé par Rufus Norris. Grande Bretagne. Comédie. 1h30. (Sortie 22 août 2012). Avec Tim Roth, Eloise Laurence, Cillian Murphy et Rory Kinnear.
Avec un titre qui n’engendre pas la gaieté, la présence de Tim Roth qui ne garantit jamais l’hilarité, une héroïne diabétique de dix ans et des personnages portant tous un sac à dos de solitude et de malheur, "Broken" rendrait neurasthénique un marchand de farces et attrapes.
Rufus Norris, pour son premier film, n’a pas choisi le sujet qui s’intéresse aux zygomatiques, mais celui qui cherche à éclairer le plus noir des désespoirs à l’aide d’une dernière allumette capricieuse.
On ne s’amusera donc pas beaucoup, mais on se sentira de plus en plus proches de cette petite communauté de voisins, dont les maisons se font face dans un petit village anglais et dont les destins vont s’entremêler.
Peu sociologique, pas psychologique, attaché à ses personnages, même quand ils sont épisodiques comme ces deux petites jumelles noires sur leurs trottinettes lançant des sacs peu ragoûtants, "Broken" de Rufus Norris est un film qui ne juge personne et tente de comprendre tout le monde, le père brutal comme la mère trop protectrice de son fils attardé.
Et puis, il y a "Skunk", la jeune fille diabétique qui regarde tout ce qui l’entoure avec sa trogne de Zazie sans métro. On n’oubliera pas la petite Eloise Laurence, apparemment fillette ordinaire mais sacrément bonne comédienne.
Rufus Norris aligne les éléments mélodramatiques, les accumule et les combine dans chacune des trois maisons en réussissant le tour de force de ne jamais tomber dans le mélo.
Pareillement, il fournit des informations sur les souffrances des Anglais moyens d’aujourd’hui, mais ne prétend pas en tirer un portrait de la société britannique des années 2010. On sent que ça va mal, que tout tient en brinquebalant et ce n’est pas un hasard si l’on voit et revoit des images d’une casse automobile près de laquelle Skunk et son frère ont transformé en cabane de leurs rêves une vieille carcasse de voiture.
Pourtant, avant d’être les victimes de tragédies intimes, les gens sont polis, plutôt gentils et prêts à s’entraider. Rufus Norris croit visiblement en l’homme et cette croyance suffit à ne pas charger sa barque d’un trop-plein d’horreurs.
Certains pourront lire ce film comme un grand film chrétien, avec une scène finale que n’aurait pas désavouée quelqu’un comme Dreyer.
Un film touchant, difficile, qui réussit, malgré tout ce qu’il charrie, à aller vers quelque chose de lumineux, riche d’un espoir sans guimauve.
|