Seul en scène dramatique écrit par Vincent Juillet et Mélissa Drigeard interprété par Julien Boisselier.
"12 millimètres". Voici un titre lapidaire et quasi-hermétique qui ne cède pas à la facilité racoleuse et intrigue en ce qu'il ne résonne pas de manière significative dans l'esprit du commun des mortels.
En revanche, il opère spécifiquement dans la contextualisation opérée par les co-auteurs Vincent Juillet et Mélissa Drigeard dans cet opus pour un comédien qui constitue une sagace déclinaison du thème de la crise de la quarantaine.
Selon une expression consacrée, le chef étoilé Jean-Jacques Detoque a tout pour être heureux : la famille, la consécration professionnelle (il a brillament repris le flambeau gastronomique paternel) et la notoriété populaire résultant de la sur-médiatisation de son émission culinaire.
Ce qui ne l'empêche pas de se trouver confronté, sur le mode rétrospectif, à l'angoisse de la vacuité existentielle et de traverser une crise de lucidité morbide annonciatrice d'une décompensation anxio-dépressive qui trouve son acmé à l'occasion de son jubilé télévisuel.
Cela amène au susdit "12 millimètres" qui se réfère tant à la section d'un cable de connectique traînant à terre, dangereuse source potentielle de chute, qu'au calibre du revolver de type Far West qu'il manipule en arborant.... une emplumée coiffe de chef sioux.
La partition textuelle s'avère aussi ambigüe qu'explosive et bien que ressortant au monologue ne se cantonne pas à des soliloques dès lors qu'elle comporte divers locuteurs telles l'assistante en voix off (Sara Giraudeau) et la journaliste en vidéo (Frédérique Tirmont), et, surtout, l'auditoire, assimilé au public de plateau télé, mis à contribution.
La mise en scène de Julien Boisselier élaborée avec la collaboration artistique de Morgan Perez et Leila Moguez est particulièrement réussie et efficace en ce qu'elle casse les codes conventionnels, dont la staticité, du monologue par l'importation de ceux de la performance.
Au jeu, Julien Boisselier, qui n'est pas sans faux airs luchiniens notamment dans le maniement de l'humour à froid dont n'est pas exempt le texte, campe avec délectation et incarne avec talent ce personnage borderline au bord de l'implosion. |