2013 a marqué la quatrième décennie d'activité filmique du cinéaste israélien Amos Gitaï qui a réalisé son 20ème long métrage "Ana Arabia", dont la sortie en salles en France interviendra en juin 2014.
Et en 2014, son actualité française 2014 démarre sur les chapeaux de roue à la Cinémathèque Française avec une exposition "Amos Gitaï - Architecte de la mémoire" présentée en parallèle avec une rétrospective de l'ensemble de son oeuvre, incluant documentaires et courts métrages.
Conçue sous le commissariat de Matthieu Orléan, réalisateur, critique d'art et de cinéma, et élaborée à partir du volumineux thésaurus d'achives dont le cinéaste a fait donation à la Cinémathèque Française, cette exposition s'avère singulière en ce qu'elle ne constitue pas une simple monstration chronologique.
En effet,
elle est annoncée comme structurée selon "une logique architecturale doublée d'une métaphore mémorielle" du décryptage du processus de travail du cinéaste.
Car sa formation à l'architecture n'est pas neutre au regard de la méthodologie d'un cinéaste que Matthieu Orléan qualifie de "topographe du sensible".
Amos Gitaï : Archéologie et architecture du réel
Cette démarche d'analyse conceptuelle se traduit par un parcours épistémologique qui repose sur une approche atomistique, qui tend à démontrer, comment à partir du particulier et de l'intime, les thématiques récurrentes du cinéaste tendent au général et à l'universel.
La filmographie de Almos Gitaï, qu'il s'agisse de documentaires, de courts métrages ou de films de fiction, est fortement ancrée dans son histoire personnelle et la mythologie familiale avec les figures parentales issues d'un milieu intellectuel.
Et notamment celle de sa mère, Efratia Gitaï, socialiste et sioniste militante engagée dans le développement des kibboutzims à qui est dédié son film "Carmel" et dont a été publié la correspondance.
Son histoire cinématographique commence avec la "scène primitive" que constitue le traumatisme de la blessure de guerre qu'il a reçu en 1973 lors de la guerre du Kippour.
Ainsi s'ouvre l'exposition sur cette "naissance" d'un cinéaste avec les images de guerre filmées avec une caméra Super 8 et les saisissants dessins inédits réalisés lors de son hospitalisation.
Explorateur des territoires en marge de l'histoire officielle - à voir une série de photographies, tirages noir et blanc des années 1970, qu'il a pris dans des quartiers oubliés - et des sujets sensibles, il réalise des documentaires pour la télévision israélienne qui seront censurés et dont la matière sera retravaillée ultérieurement dans un scénario pour nourrir un film de fiction.
Articulée autour d'une salle dédiée à la pratique cinématographique privilégiée de Amos Gitaï, celle du plan unique qu'il considère comme "un des moyens cinématographiques les plus subversifs" avec quatre plans-séquence emblématiques extraits des films "Kadosh, "Kedma", "American mythologies" et "Journal de campagne", l'exposition met l'accent sur le cinéaste citoyen du monde.
Elle illustre comment ses deux exils, en Californie dans les années 1970, puis une décennie à Paris dans les années 1980, et ses voyages ont entraîné une réinterprétation de ses thématiques récurrentes - la guerre, l'antisémitisme, l'immigration, la mémoire, l'utopie, les grands mythes fondateurs de l'Humanité - à travers des problématiques universelles.
Notes, scénarios, story-boards, documents de repérage, dessins, textes et photographies de tournage abondent dans cette exposition pointue qui implique que le visiteur ne soit pas totalement néophyte quant à l'oeuvre du cinéaste.
Les documents sélectionnés avec acuité témoignent d'une méthode de travail qui ne laisse pas de place au hasard ou à l'improvisation comme cela est synthétisé dans la dernière salle "à tiroirs".
Amos Gitaï a construit une oeuvre ("Le cinéma de fiction est architecture. Il construit ou reconstruit ce qui n'existe pas au préalable") en explorant le temps et l'Histoire de l'homme ("Le cinéma documentaire traite de la représentation du réel, il est archéologique : il creuse il essaie d'exposer des états cachés, des strates antérieures"). |