Légèreté et détachement sont deux mots possibles pour qualifier Vers les lueurs. Les chansons de Dominique A sont neutres ; elles se jouent aussi plus en profondeur. L’intégration d’un orchestre à corde souligne cette avancée, même si on a d’abord le sentiment d’une œuvre surchargée : trop de violons distraient l’auditeur, pourrait-on dire. Il faut donc du temps pour passer cette surface instrumentale, pour dépasser les titres majeurs qui peuvent avoir l’inconvénient de faire de l’ombre au reste.
Une fois que sera amoindrie l’obsession des titres comme "Vers le bleu", "Parce que tu étais là", ou "Rendez-nous la lumière", il restera à découvrir les recoins les plus intéressants de l’album. Ces titres-là tapent en effet dans le mille sans prendre de détour, par leur ton glacé, sans concessions. "Vers le bleu" dit l’histoire de deux frères dont l’un prend en charge les errances de l’autre ("Mais comment vais-je faire pour te faire passer le goût du feu ?") ; "Parce que tu étais là", chanson douloureuse d’un amour non réciproque dont le point de vue narratif reste incertain (à qui s’identifie-t-on, à celui qui souffre ou à celui qui jouit de la souffrance de l’autre ?) ; enfin, "Rendez-nous la lumière" et son constat amer (politique et humain) sur le déclin de notre monde.
Ce disque risque d’être une déception pour ceux qui auraient tendance à le juger rapidement. Je leur recommande la vertu de la patience. Passé l’excitation de la découverte, arrive l’ennui de la comparaison. Il faut plutôt oublier les précédents disques du chanteur français (évidemment la grâce inentamable de La Fossette, évidemment le génie colérique de Remué…). Arrêter de l’écouter quelques semaines pour y revenir tranquillement. Enfin se rendre compte qu’un titre discret comme "Ce geste absent" fait partie des plus beaux qu’ait écrits Dominique A. |