Marie
Parouty, c’est LA femme des Monty Python. Plutôt
la seule femme dans les spectacles des Monty Python Flying Circus
dont les quatre mecs ont fait leur reine.
Rappelez-vous – ou visionnez d’urgence le DVD –
Marie Parouty c’est la meneuse de revue qui aime les chinois,
la libraire au bord de la crise de nerfs ou la monitrice de self-défense
contre l’attaque aux fruits frais.
Tous ses mecs ont insisté sur l’impérieuse
nécessité de la rencontrer. De toute manière,
cette interview était incontournable dans le cadre de notre
série sur les Monty Python. La voilà, en léger
différé, répondant à nos questions entre
deux spectacles qu’elle en soit spectateur ou acteur.
Et dites-le vous bien : la petite brune aime la fantaisie et elle
n'est pas une comédienne "facile"!
Vous avez fait le Studio 34 et le cours Florent,
donc monter sur les planches n’est pas fortuit ?
Non. Et c’est même antérieur à
cette période. En fait, j’ai vu ma mère sur
scène quand j’avais six ans. Je me suis dit : "Tiens
c’est intéressant". Et à 9 ans, j’ai
tourné un film et je me suis alors dit : "C’est
plus qu’intéressant. C’est génial. On
peut travailler en s’amusant". Ensuite j’ai fait
partie de petites troupes de théâtre. Toutefois, il
y avait une obligation, c’était d’avoir mon bac,
dixit parental, et ensuite j’avais le droit d’aller
à Paris. Je me suis donc dépêchée de
passer le bac et j’ai effectivement commencé par le
studio 34. Un peu naïvement, je me disais qu’il serait
bien de tenter le Conservatoire et à l’époque,
il fallait être agrée. Et au cours Florent, j’ai
fait des rencontres déterminantes. J’y ai rencontré
Grégoire Bonnet et Thomas Le Douarec et nous avons monté
une troupe et nous avons travaillé ensemble depuis 1992.
Et on ne s’est quasiment jamais quitté. Nous en sommes
à notre 1Oème ou 11ème spectacle en commun.
C’est donc une aventure assez extraordinaire de longévité
dans ce milieu.
Ce sont de véritables liens d’amitié
qui se prolongent
Qui se sont enracinés dans le travail. A la
base, le travail nous a réuni et de là est née
une très forte amitié.
Cette troupe existe-t-elle toujours ?
Pas comme à l’origine. La compagnie Thomas
Le Douarec existe toujours mais elle est constituée d’autres
personnes. Cela étant, il reste effectivement ponctuellement
des re-rencontres sur scène. En revanche, avec Grégoire,
nous n’avons jamais cessé de travailler ensemble.
Et comment vous êtes-vous retrouvée
sur l’affiche des Monty Python Flying Circus ?
Les Monty Python est vraiment le spectacle d’un
producteur Rémy Renoux. Je ne le connaissais pas car à
l’époque où il était tourneur du spectacle
Le dindon dans lequel j’avais joué, moi j’étais
déjà partie sur une autre aventure. Donc je ne l’ai
donc pas rencontré à ce moment-là. Mais quand
j’ai appris qu’il montait ce projet, je lui ai dit comme
ça à la cantonade, en rigolant, que j’étais
prête à balayer la scène pour faire partie de
ce projet. Et en fait, par la suite, j’ai passé une
audition. Je n’étais pas pressentie au départ
car il avait proposé le rôle à une autre comédienne.
Il y en a eu une autre avec qui cela ne s’est pas concrétisé
et finalement je suis arrivée sur le projet, ô combien
heureuse, vous l’imaginez bien.
Aviez-vous à ce moment une idée de
ce que serait le spectacle ?
Non. Je connaissais un peu l’univers des Monty
Python et j’avais, au départ, un peu de difficulté
à voir ce que j’allais devenir là-dedans. Car
il n’y avait que des hommes et je ne voyais pas comment cela
allait s’organiser autour de moi. Si j’allais être
le faire-valoir, si j’allais être la potiche comme celles
qu’ils avaient dans leurs sketches et très vite le
producteur m’a rassurée. Je ne serais pas une potiche
du fait que si les Monty Python s’étaient crées
aujourd’hui, il y aurait sans doute eu une femme parmi eux.
L’absence de femmes tenait à ce que les universités
anglaises n’étaient pas mixtes. Mais ça a été
difficile car je suis arrivée un peu plus tard que les autres
et donc j’arrivais au sein d’un petit groupe déjà
formé et il fallait faire ses preuves. Une fille au milieu
de quatre garçons, ce n’était pas simple au
départ. Il a fallu que je gagne mon intégration.
Cependant certains n’étaient pas des
inconnus pour vous ?
Oui. Mais c’était un truc de mecs.
Ils étaient pourtant informés de la
présence d’une femme ?
Oui mais quand on a vu les sketches, on n’a
pas une idée précise de ce que la fille va avoir à
faire. Et subitement, le camembert qui était partagé
en 4, il fallait le diviser en 5. Ils l’ont fait tout à
fait intelligemment et sans aucun problème mais il est vrai
que j’ai été projeté dans un univers
réellement masculin. Et même s’ils ne sont pas
misogynes, ce sont des garçons, c’est un univers de
garçons. Et j’imagine aussi que l’inverse aurait
été aussi terrible. Mais c’était …intéressant.
Justement comment était l’ambiance
?
C’était fabuleux car ils ont eu…comment
dire…l’élégance de me faire croire que
j’étais leur reine pendant un an et demie-deux ans.
Et ça c’est formidable. Je le souhaite à toutes
les comédiennes parce que d’un seul coup, même
si c’est difficile, on est le seul élément féminin
et on est plus chouchoutée que d’habitude.
Vous avez donc trouvé votre place en tant
que personne, mais au niveau des textes, comment est intervenue
la répartition des rôles ?
Pour le Monty Python 1, je n’ai pas eu le choix
car la distribution était déjà intervenue quand
je suis arrivée et j’ai donc hérité des
textes résultant du choix des comédiens et du metteur
en scène. Pour le Monty Python 2, nous avons fait un travail
sur table où de manière très démocratique
tout le monde a lu et donné ses envies et même si le
final cut, le dernier mot revenait à Thomas, le metteur en
scène, il y avait des évidences. De toute façon,
je savais qu’il y avait des rôles que je ne pouvais
pas jouer en tant que femme et qui n’étaient pas transposables
sur un personnage féminin. Et d’autres qui étaient
plus accessibles. Et il fallait s’assurer que le comique ne
serait pas amoindri par le fait que je sois une femme. Parce que
parfois, les comédiens se travestissent et il ne fallait
pas dénaturer ce comique-là.
Etes-vous partante pour la suite des Monty Python
que ce soit en France ou pour jouer en Angleterre ?
Ah oui ! Absolument ! 100% partante. Bien sûr
c’est une aventure professionnelle de jouer les Monty Python
et pour rien au monde je n’aurais échangé ma
place. D’autant que c’était la première
fois que je disais à quelqu’un "Je veux le faire".
Je n’avais jamais osé le faire auparavant et là
c’était une nécessité absolue. Et puis
c’est une aventure humaine extraordinaire. Ce sont mes amis.
Et nous étions déjà très proches et
là c’est comme si nous avions partagé quelque
chose d’intime, je ne sais pas comment l’expliquer…comme
si nous savions que cette aventure-là n’aurait pas
d’équivalent dans l’avenir. C’est une aventure
unique. Et nous le savons tous. Nous avons joué à
Edimbourg mais partir en Angleterre avec eux…oui, tout de
suite ! Les yeux fermés !
A ce sujet, le projet s’est-il un peu plus
concrétisé ?
Non, pas pour le moment malheureusement. Nous sommes
dans l’expectative. Nous savions qu’il y avait une échéance
pour Londres le 3 avril qui a été repoussée…peut-être
pour septembre. Mais les montages financiers sont assez compliqués.
Comment ces incertitudes vont-elles pouvoir se concilier
avec votre calendrier professionnel ?
Là est le réel problème car plus
on attend plus on va se trouver confronter à des difficultés
car nous seront amenés à nous engager sur d’autres
projets. J’espère que nous pourrons le savoir suffisamment
tôt pour pouvoir nous libérer. Nous avons déjà
rencontrés ce problème avec Grégoire puisque
nous avons fait une lecture pour une pièce qui doit se monter
prochainement. Nous avons fait part au metteur en scène des
projets pour Londres en lui disant que si Londres se concrétisait
on le ferait. Ça refroidit un peu. Je en sais pas si cette
situation pourra durer longtemps. Pour le moment, nous privilégions
cette aventure anglaise mais cela ne pourra pas perdurer.
Vos partenaires et amis ont tous insisté
sur le rythme de travail effréné dans lequel cette
aventure s’est déroulée.
Pour le 1, nous disposions de plus de temps et puis
c’était la découverte. Quand on ne sait pas
où on va, on ne souffre pas. Mais quand on sait à
quoi s’attendre, la montagne on la voit et on la regarde en
l’appréhendant. Quand on a commencé le 2, on
jouait depuis plus d’un an le 1, nous jouions donc tous les
soirs et nous avons lu sur table tous les sketches, et il y en énormément.
Le 2 durait 2h20 au départ donc il a fallu recouper. Nous
avons travaillé comme des damnés, mais vraiment. C’était
un rythme fou mais dans le vif on le perçoit moins.
Le succès du 1 vous portait ?
Oui, bien sûr. Et l’enthousiasme de faire
quelque chose de nouveau.
C’est une aventure exceptionnelle puisque
les Monty Python n’avaient jamais cédé leurs
doits ?
Oui. Nous avons bien eu le sentiment d’être
privilégiés. Nous en étions d’autant
plus redevables et il fallait être à la hauteur. Nous
étions claqués mais enthousiastes. Monter le 2 a été
très dur, très éprouvant physiquement. Mais
on ne peut pas se plaindre. Nous faisons quand même ce que
nous aimons le plus au monde.
Le 2ème spectacle s’est arrêté
assez brutalement. Quelle a été votre réaction
?
Je me souviens parfaitement. Nous devions jouer jusqu’au
3 janvier et nous avons arrêté mi-décembre.
Je me souviens qu’après, avec Grégoire, nous
nous appelions et nous ne savions plus quoi faire de soi. Vous êtes
programmés pour jouer jusqu’à telle date, et
c’est vraiment quelque chose que l’on avait intégré
dans notre corps et d’un seul coup votre rythme est complètement
broyé. Alors au delà du sentiment de tristesse du
fait de ne pas avoir pu dire au revoir au spectacle, car on se prépare
à finir un spectacle, je ne sais pas comment dire…
…faire votre deuil du spectacle…
…oui. Mais là en quelques jours, ça
a été foudroyant. Nous étions sur les planches
depuis 2 ans et subitement nous ne savions plus comment vivre normalement.
Subitement, nous avions des soirées, des journées,
nous étions des âmes en peine. Nous nous disions :
"Comment faire avec tout ce temps ?" Car d’habitude,
la journée est fractionnée mais on sait que c’est
pour arriver à six heures, l’heure de partir au théâtre.
Et puis plus de repères. Avec Grégoire, on se disait
: nous sommes livrés à nous mêmes, comme des
gamins sans rythme de vie. Une si belle aventure…c’était
une énorme déception à la hauteur de cette
aventure…
N’est–ce pas parce que vous pensiez
inconsciemment, malgré l’échéance de
janvier, que cette belle aventure n’aurait pas de fin ?
Oui, mais on nous a laissé longtemps miroiter
que nous allions immédiatement enchaîner sur Londres.
Donc nous n’étions pas du tout préparés
à un arrêt.
Quel impact a eu ce spectacle sur votre carrière
?
Il est peut être un peu trop tôt pour
le dire. Car au théâtre, le temps que les choses se
mettent en place, cela demande toujours un peu plus de temps que
pour le cinéma ou la télévision. Et puis quand
vous jouez si longtemps, vous êtes amenés à
refuser parfois et les gens n’ont pas idée qu’à
un moment donné, vous êtes libre. Ainsi en janvier,
quand je faisais des lectures, on me demandait si je jouais encore.
Il faut donc les prévenir que je suis revenue sur le marché
du travail. Maintenant, ça commence.
Quelle est votre actualité ou vos projets
immédiats ?
Il y a des projets dont je ne peux pas du tout parler,
parce qu’il faut être, comme tous les comédiens,
un peu superstitieux, même si je ne le suis pas franchement.
Dans l’immédiat, je démarre la semaine prochaine
avec Grégoire des répétitions pour un spectacle
de théâtre musical avec des chansons qui se jouera
certainement en septembre. Et encore avec Grégoire, nous
avons un autre projet de spectacle mais qui est encore trop jeune
pour en parler concrètement. Il s’agit d’une
pièce de Ariane Walter, une femme qui écrit remarquablement
bien, et j’ai eu la chance de jouer deux de ses spectacles.
Il s’agit d’une comédie burlesque complètement
barjot. Nous en sommes au stade des lectures avec une présentation
au théâtre pour la rentrée. Et toujours avec
Grégoire, nous avons fait des lectures d’une autre
pièce qui devrait se jouer très bientôt. Et
puis, parallèlement et sans Grégoire, je travaille
avec Sébastien Thierry, qui est comédien et auteur,
sur un projet télé. Il va jouer au Théâtre
du Rond Point à la rentrée, avec une mise en scène
de Jean Michel Ribes. Je lui ai demandé d’écrire
des sketches pour lui, moi et Françoise Christophe. Nous
tournons le pilote de 10 sketches.
Dans quel registre ?
Plutôt absurde. Cela fait penser un peu à
Desproges mais ça ne ressemble à personne. Il a beaucoup
de talent et ça donne des ailes.
Donc plein de projets ?
Oui. Très vite j’ai ressenti la
nécessité de faire quelque chose tout de suite, un
peu comme remonter sur le vélo immédiatement après
la chute. Pour ne pas me fragiliser, j’ai tout de suite réfléchi
à ce que j’avais envie de faire. Et j’avais envie
de faire autre chose qu’être sur scène tous les
soirs. Parce que c’est dur, que cela demande un investissement
important qu’il est difficile de concilier avec la vie privée.
Et je me suis demandée ce que j’aimerais faire et qui
me permettrait de tout concilier. En attendant de remonter sur les
planches car, de toute façon, je ne pourrais pas m’en
passer. Donc la télé était une chose qui pouvait
m’exciter.
Vous avez déjà joué pour la
télé ?
Oui, mais pas sous cette forme. De plus, là
je suis à la base d’un projet, un projet personnel.
Il était important pour moi de prendre un peu les rênes.
Nous allons travailler avec un garçon que nous avons rencontré
dans un stage de danse extraordinaire, pendant cinq semaines, dirigé
par Christiane Legrand, la sœur de Michel Legrand. Il était
directeur de stage et metteur en scène et j’ai eu envie
de travailler avec lui. Et d’un seul coup je me suis dit,
tiens je m’octroie le droit de dire que j’ai envie de
travailler avec quelqu’un, chose que l’on s’autorise
rarement quand on est acteur. On est davantage en situation d’attente.
Et maintenant je n’ai plus envie d’attendre.
Partagez-vous l’analyse d’Yvan Garouel,
un des mecs des Monty Python, qui est comédien mais aussi
metteur en scène, qui nous disait qu’un metteur en
scène a également besoin d’être désiré
?
Oui. A force de craindre d’être opportuniste,
on oublie de dire au gens qu’on les admire et qu’on
a envie de travailler avec eux. Et ça leur plaît car
le désir crée le désir.
Avez-vous envie de vous orienter davantage vers
l’élaboration de projets voire même vers la mise
en scène ?
Oui. Aujourd’hui, oui. Et j’ose me l’avouer
depuis peu de temps. Oui. Etre acteur ne me suffit plus parce que
c’est fragilisant d’être toujours en attente,
en demande. J’ai envie d’être de l’autre
côté, non pas de créer qui est un terme un peu
fort, mais d’élaborer des projets, de travailler avec
d’autres personnes, j’ai envie de rencontres, d’aventures
humaines. Et comme je ne veux pas travailler avec n’importe
qui et n’importe comment, je me dis : "Aide-toi, le ciel
t’aidera ! Fais-le."
Quant à la mise en scène, oui, cela m’intéresse
mais je ne me suis pas encore lancée. Mais dans le futur,
oui car j’adore les acteurs.
Travailler avec tous ceux que vous connaissez et
que vous appréciez mais aussi avec d’autres ?
Oui, bien sûr avec des inconnus. Il est vrai
qu’idéalement on a toujours envie de travailler avec
des gens que l’on connaît parce qu’on connaît
leur manière de fonctionner et cela va vite. Ainsi par exemple,
le Monty Python 2 a été monté très vite
car nous nous connaissions tous. Alors qu’avec des inconnus,
toute la période de découverte prend du temps. Et
puis si c’est confortable de jouer avec les mêmes personnes,
il est intéressant aussi de se confronter à d’autres
, se remettre en question. Des regards neufs sur soi, ça
fait avancer.
Avez-vous joué sous la direction d’Yvan
Garouel ?
Non, jamais et j’aimerais beaucoup parce qu’il
a un œil très intéressant. Il est aussi comédien
et il possède le langage pour vous amener où il faut
et il est très pertinent. J’ai pu l’apprécier
sur le Monty Python 2.
Il est vrai que c’est un passionné
et il nous a parlé de son théâtre vivant.
Oui. Et j’en profite pour faire de la publicité
pour un spectacle de Carlotta Clerici, "La mission" dont
il m’a parlé. Et il est objectif. Ce n’est pas
quelqu’un qui peut se galvauder. J’aimerai travailler
avec elle. C’est certain.
Et donc vous lui avez dit ?
Bien sûr. Je ne me gêne plus. Et puis
il y a tellement de mauvais auteurs. Quand on a la chance d’entendre
de beaux textes, on y va !
Et avez-vous le temps d’aller au théâtre
?
Maintenant oui, j’u retourne mais il m’a
fallu un mois. Le premier mois qui a suivi l’arrêt des
Monty Python, j’étais incapable de retourner au théâtre.
J’étais saturée, overdosée. Et là,
je reprends du plaisir à être assise dans une salle
et j’y suis allée 3 fois en une semaine. Je trouve
cela tellement extraordinaire.
Quels spectacles ?
Un Goldoni," La femme vindicative"
au théâtre Antoine. J’ai découvert Goldoni
qui est un auteur génial.
Il y a d’ailleurs un théâtre
rue de la Gaité qui ne joue que du Goldoni.
Oui, mais il a eu beaucoup de problèmes qui
ont mené le directeur à aller jusqu’à
la grève de la faim comme celui du Lucernaire suite à
la suppression de ses crédits. Sale temps pour les gens du
spectacle en ce moment. Vraiment. Et je ne pensais pas que c’était
à ce point. Je suis ce qui se passe mais j’ai au fond
de moi un optimisme parfois à tout épreuve. Et puis
j’ai lu la brochure que m’ont adressé les ASSEDIC
et c’est réellement grave pour les comédiens.
Avez-vous rencontré de grandes difficultés
lors de votre carrière ?
Non, j’ai eu la chance, et je touche du bois,
de travailler non-stop jusqu’à maintenant et de pouvoir
en vivre correctement. Mais je connais beaucoup de comédiens
qui font de petits travaux annexes pour survivre. Mais je suis consciente
de ce que tout peut s’arrêter et en même temps,
on continue comme si cela ne devait jamais arriver.
Je reviens au trois derniers spectacles que vous
êtes allé voir.
Oui. Donc" La femme vindicative" de Goldoni
et puis "La mission" de Carlotta Clerici à l’Aktéon
et "Des petits cailloux plein les poche"s au théâtre
La Bruyère.
Trois bons spectacles que vous recommandez ?
Oh oui, que je recommande absolument ! Et ça
redonne envie d’aller au théâtre. J’ai
envie de voir "La framboise frivole", le dernier spectacle
de Thomas "L’amour à 3".
Comédienne avec des velléités
de mise en scène, quand vous êtes spectateur, avez-vous
le regard de néophyte du public lambda ou êtes-vous
plus critique ?
J’ai perdu une forme de candeur. Quand j’étais
petite et que j’allais au théâtre, on pouvait
me faire avaler n’importe quoi et je le trouvais sublime.
C’était magique, une magie qui opérait systématiquement,
envers et contre tout. Aujourd’hui, plus du tout. Et autant
au cinéma je peux voir une daube et je la supporte car le
défilement des images vous distrait, autant au théâtre
si je vois quelque chose de mauvais, je souffre. Il se crée
une angoisse en moi. Et quand je suis heureuse c’est également
au dessus de tout. Mais bien évidemment je vois les ficelles
que peuvent utiliser les acteurs et alors cela peut me mettre en
colère. Quand il n’y a pas de ficelles et que je suis
épatée, c’est puissance mille. Là je
suis scotchée et je retrouve ma capacité d’émerveillement.
Je me laisse embarquer. Mais je suis prête, à chaque
fois, à monter dans le train. Je n’y vais jamais avec
des a-priori. J’ai toujours envie d’être épatée.
Mais en étant comédien, on voit ce que les autres
spectateurs ne voient pas forcément. Et quand je souffre,
je souffre physiquement de tout ce que je vois. En plus, il n’y
a pas d’issue possible. On ne peut que voir. On est piégé.
Et je refuse de me lever et de sortir. Je reste jusqu’au bout
quoiqu’il arrive.
Vous restez en espérant que quelques minutes,
peut être les dernières sauveront le spectacle ?
Oui. Et puis par respect pour les comédiens.
Et en fait, il y a toujours un enseignement à tirer. Je ne
reste pas en colère jusqu’au bout. C’est mauvais,
soit. Je souffre, soit. Mais j’essaie de me concentrer pour
dégager des choses positives. Heureusement, il est quand
même rare de voir des spectacles qui me projette dans de très
grandes angoisses. Une fois, j’ai vu une pièce, avec
un acteur très connu, qui était insupportable. Et
inaudible. Et cela pour tous les comédiens. La pièce
était d’un ennui mortel. On entendait le clap des fauteuils
car les gens partaient. J’avais, et j’ai toujours une
grande admiration pour ce comédien, et quand je l’ai
vu sur scène, je me suis dit: "Au secours !". Mais
je n’ai pas pu partir. Et Dieu sait que j’en ai rêvé.
Probablement par identification, je suis restée.
Le metteur en scène avait donc une certaine
responsabilité dans cet échec ?
Il était amplement responsable de cette débâcle.
C’est évident car un spectacle ne se fait pas tout
seul. L’acteur est aussi tributaire du metteur en scène.
Il n’est pas responsable à 100% de l’échec.
Et le spectateur doit être concentré. Quand on est
sur scène, on a l’impression que l’on offre quelque
chose au public. Mais en réalité, c’est un échange.
Et on en a vraiment conscience quand on est dans la salle.
Nous avons abordé le rôle et la responsabilité
du metteur en scène. Maintenant, à la lumière
de votre propre évolution, donnez-vous votre avis ou votre
sentiment au metteur en scène ?
Je ne suis pas la comédienne idéale
qui serait docile et très à l’écoute.
J’ai une fâcheuse tendance, que j’essaie de corriger
et qui en même temps est une force car cela installe une vraie
relation entre l’acteur et le metteur en scène, à
vouloir qu’on m’explique, à ergoter. Je discute.
Je ne peux pas être un pantin. Il faut m’expliquer,
non pas la psychologie des choses parce que ça c’est
un peu notre sauce à nous comédiens, mais je n’aime
pas la gratuité. Donc je fais parfois de mauvais procès.
Je soupçonne certaines choses un peu gratuites, un peu faciles.
Je veux qu’on m’explique. Je pense être disponible
mais je ne suis pas dans l’abnégation. Et puis, je
suis très exigeante envers moi-même, je me juge souvent
très sévèrement. Ainsi j’ai toujours
le sentiment de n’avoir jamais fait de théâtre
quand j’aborde un nouveau rôle. J’ai toujours
l’impression de n’avoir aucun métier derrière
moi. J’arrive vierge de tout. Donc ce manque de confiance,
qui est également une force dans la mesure où je ne
me repose jamais sur un acquis, est souvent source de difficultés.
Et cette exigence je l’ai aussi à l’égard
des autres.
Le DVD des spectacles des Monty Python est sorti
récemment. Vous êtes vous regardée ?
NDLR : petit blanc.
Allez-vous le regarder ?
Il y un DVD du Cid mis en scène par Thomas
Le Douarec dans lequel j’ai joué qui est sorti depuis
plusieurs années, il est toujours sous cellophane. Le DVD
je l’ai un peu vu sans le regarder puisqu’il y a une
version commentée à chaud par les acteurs. Mais je
l’ai vu dans une grosse déconnade avec les copains
mais je ne me suis pas regardée avec attention. Je n’aime
pas me voir. Je n’ai pas encore cette humilité. C’est
terrible. Je ne vois que les défauts et je suis effondrée
de ce que je vois. Je me critique alors durement et ce n’est
pas très constructif car je ne suis pas encore arrivée
au stade d’être calme vis-à-vis de son travail
et d’anticiper la progression. Je me mets en pièces
et j’ai la rate au court bouillon.
D’autant que l’enregistrement d’une
pièce de théâtre ne permet pas comme au cinéma
de refaire les scènes.
Exactement. Et puis connaître les jours où
interviennent les captations surajoute une pression. Et nous avons
du mal à oublier qu’il y a les caméras.
A propos des spectacles des Monty Python, nous avons
abordé avec les autres comédiens le rôle des
médias et notamment le fait que vous aviez, en quelque sorte,
raté un passage à la télé qui aurait
pu booster les spectacles. Partagez-vous ce sentiment ?
Oui. On apprend beaucoup en voyant les autres et il
y a une grande différence entre les émissions en direct
et celles enregistrées. Je me suis rendue compte en regardant
les interviews – promo, que quelle que soit la chaîne,
les propos sont identiques. Pour le cinéma notamment, le
discours est très préparé, très formaté.
Et ils ont raison. Nous, nous ne nous sommes jamais donné
la peine d’envisager de quelle façon on allait aborder
l’émission à laquelle nous allions participer.
Surtout l’émission sur Paris Première dans laquelle
nous sommes sans doute passer pour des gens qui avaient la grosse
tête. Alors qu’il n’en était rien. Mais
on faisait notre cirque. Nous ne savions pas du tout comment faire
notre promotion. C’était lamentable. Et du coup ça
nous rendait antipathiques. A nous voir, on pensait : Ils sont rien,
ils jouent des textes dont ils ne sont même pas les auteurs
et des textes fabuleux et ils se prennent pour les Monty Python
! Nous étions tristes ensuite car nous avions le goût
amer du ratage. Nous avons été piégés
par notre propre inexpérience.
Il s’agissait d’émissions en
direct ?
Non. C’est pour cela que nous aurions dû
travailler notre promotion. En direct, on peut y aller parce que
c’est spontané et on rebondit sur ce qui se passe.
En plus, en différé, le montage est laissé
à la discrétion du réalisateur. Cela explique
pourquoi maintenant les comédiens font des promos formatées
avec par exemple les mêmes jeux de mots. C’est effrayant
et cependant ils ont raison car cela évite de passer pour
un con.
Cela permet aussi de rassurer les téléspectateurs
.
Oui. Et nous on ne rassurait pas. Nous sommes passés
pour des crétins. Nous étions effondrés. Et
puis, nous avons eu tous les retours des proches. Il fallait assumer.
Nous étions assez naïfs. Et il faut perdre sa naïveté.
Et nous avons beaucoup appris. Mais c’est triste. Car nous
sommes dans un monde où il faut être à l’image
de ce qui est La politique d’aujourd’hui : sans fantaisie…
…politiquement correct ?
….absolument politiquement correct, sans
fantaisie, sans surprise, sans accident. Quand on voit les Etats-Unis
qui pour un sein de Janet Jackson font tout en léger différé…Nous
sommes à cette image-là, nous sommes en léger
différé de tout. C’est dommage. |