Petite
lubie mégalomaniaque, le leader (restant) de Blur
se pique de sortir de son vivant un album de démos (d’ou
le titre du disque… no comment…). Le disque est disponible
en double vinyl, en tirage limité et pour assez cher, voire
même hors de prix compte tenu objectivement des titres intéressants
qu’il contient, il n’est pourtant pas "totalement"
sans intérêt.
Il n’y a ici aucun rapport avec l’excursion solitaire
du trentenaire sur le très réussi Mali
Music, si ce n’est qu’il permet indirectement
de mieux cerner encore le processus de songwriting du Damon
Albarn. En effet une question a priori intéressante
serait de déterminer ce qui distingue lors de la composition,
une chanson de Gorillaz, de Blur ou
du Mali Music, chaque entité ayant son univers plus ou moins
régressif propre et un parti pris musical différent.
En général quand on écoute une démo
d’un groupe on se retrouve avec excitation face à la
matière originelle qui n’a pas encore évolué
vers un but et un packaging précis, un "songwriting
sauvage" , sans les ornières qu’impose une casquette,
et celle de blur étant sans doute la plus emcombrante, surtout
depuis qu’il se retrouve seul dessous. Ceci pour en arriver
au constat que le disque de démos est un exercice balisé,
pour ne citer que les bandes posthumes My Sweetheart the drunk de
Jeff Buckley ou les fulgurantes 4-track
demos de PJ Harvey.
Par ailleurs sur le papier on pouvait rêver des enregistrements
lofi dont Lou Barlow, Graham Coxon ou
Daniel Johnston ont le secret. On est
depuis longtemps bien persuadé qu’une chanson n’a
pas besoin de milliers de livres dépensés en studio
pour fonctionner et nous toucher. Dans ce registre on se rappelle
aussi de certaines B-sides de blur autour de 97 comme "Swallow
in a heatwave", au son trash, à la structure
foutraque, génialement décadente (c’était
le bon temps).
On pouvait donc attendre beaucoup de chose de cette Democrazy,
ce qui nous est proposé est beaucoup plus modeste.
On retrouve ici des micro-mélodies au bontempi et des titres
lo-lo-fi enregistrés dans sa baignoire, qui rappeleront à
certains leur premier magnétophone à cassette ou les
premières cartes MIDI. Les titres durent autour de la minute
et ont rarement les épaules pour aller plus loin.
On trouve ainsi une succession d’intermèdes musicaux,
mais aussi quelques rares titres intéressants (mais non finis),
en fait surtout les titres où il s’accompagne à
la guitare et où donc l’instrumentation est assez minimale
(anyone can play guitar comme disaient certains mais avec des limites
personnelles) et fait relativement moins cheap qu’avec son
synthétiseur.
Par exemple "Half a song"
est presque une vraie chanson (sans jeu de mot) si on avait le temps
d’atteindre le refrain, la voix de Damon tenant à elle
seule tout la construction playmobil du titre.
Mais on découvre surtout "Gotta
get down with the passing of time" sans inhibition sur
le chant et la guitare est une vraie pop song percutante avec une
voix grave et rauque dans un registre dans lequel on ne connaîssait
pas Damon. Elle ne vaut peut être pas à elle seule
de se jeter sur l’album, mais en toute honneteté c’est
une petite perle de deux minutes bien au dessus de la plupart des
compositions de Think Tank.
De même "American Welfare Poem"
et sa guitare désaccordée n’est pas seulement
lo-fi mais fais référence au mouvement lo-fi américain
(le groupe est en tournée aux USA au moment de ces enregistrements),
et entre un résonnace avec le "Wassailing
Song" que reprenait jadis blur en tournée. Vraiment
un très bon titre, qui se trouve sans un doute sur la meilleur
face du double album car on y trouve aussi "Subspecies
of an american day" qui fait partie de ces rares titres
de l’album qui resortent, non pas qu’il soit plus élaboré
: un beat métronomique et du melodica, point barre. Mais
le titre fonctionne vraiment, ballade rappelant plus Eels période
dépressive voire Scout Nibblett
que les pitreries de Gorillaz.
Ces deux-trois très bons titres ne justifient pas à
mon sens d’acheter ce disque réservé aux fans
(en même temps je dis la même chose de Think Tank, vous
faites ce que vous voulez…).
Dans l’ensemble, musicalement modeste et psychologiquement
édifiant : dépression ou manque affectif, quelque
chose ne tourne pas rond dans le monde de Dan
Abnormal et sa créativité non canalisée
s’en ressent malgré quelques fulgurances. Damon s’ennuie
tout seul dans sa chambre et tourne en rond, il ferait mieux d’arreter
les conneries et de téléphoner à Graham et
de refaire partir la magnifique alchimie qu’on leur a connu…
Pour ce que j’en dis…
Et en un mot : anecdotique.
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