Le chanteur Québécois Peter Peter a présenté, sur la scène du Grand Mix (Tourcoing), son dernier album Noir Eden : concert planant comme un long trip acide où ont circulé les émotions aussi diverses que la tristesse et l’euphorie, l’angoisse et la joie.
Mais c’est surtout une ligne mélancolique qui domine l’ensemble, soutenue par une musique pop de tendance électro et variété, traversée de temps à autre par quelques fulgurances rock.
Ces composantes ne suffisent toutefois pas à décrire de façon satisfaisante une impression confuse, que l’on peut assimiler à un flux.
Imaginez un mouvement ondulatoire, en lente progression, variable, transportant à tout instant une énergie. Cette musique nous laisse en effet dans une sensation constante d’apesanteur, d’où son caractère euphorisant.
On perçoit assez vite, d’ailleurs, que ce mouvement n’est pas sans rapport avec celui de l’inconscient.
Les paroles sont une libre association de mots, selon le principe de l’écriture automatique : "J'ai la saison que je veux quand je respire / Apparaissent mes vœux sans que je n'ai pu les dire / Je peux tout revivre et tout transformer" ("Bien réel").
Parallèlement à cette formule automatique, le chanteur invoque une errance de l’esprit, un dérèglement des sens où l’imaginaire et le réel entrent en fusion.
Par exemple, dans "Noir Eden", nous assistons à une collusion entre fiction et réel : l’histoire d’une personne, double de l’auteur assurément, emprisonnée dans sa douleur comme dans un mauvais rêve.
Le concert entier est en fait un dialogue ininterrompu entre les deux faces de Peter Peter : sa face imaginaire et sa face réelle.
On pense au film Les Amours imaginaires de Xavier Dolan (peut-être existe-t-il un certain style québécois en art, un code subtil basé sur la légèreté d’une posture, un dénominateur commun entre un cinéaste et un chanteur de variété québécois) où les histoires d’amour représentées se passent moins dans le réel que dans l’imaginaire : et il n’y a pas d’imaginaire sans emballement de l’imagination, sans redéfinition illusoire des sentiments, ni scénario idéal que chacun se raconte à soi-même.
"Moi et mes amis travaillons fort à noyer la douleur et l’ennui / Nous forgeons au sein de nos ivresses une version améliorée de la tristesse", chante ainsi Peter Peter sur un titre de son deuxième album. Quel programme magnifique, et avant-gardiste, que celui de vouloir améliorer un sentiment.
En première partie, nous avons savouré la juvénilité du groupe français Requin Chagrin : je parle avant tout de sa vivacité pop, de son ardeur rock, de son insolence punk.
Les chansons sont directes, d’une simplicité confondante mais empruntes d’un charme qui assurent à cette musique singularité et précision – bien que, ici et là, des influences sont perceptibles (qui peut prétendre être vierge de toute influence ?).
La simplicité n’est pas une chose aisée, après tout ; elle procède d’une sobriété, et d’une honnêteté qui caractérisent pleinement la chanteuse-compositrice Marion Brunetto. Le propos en tout cas est sympathique. D’autant que, derrière la surface mélancolique des chansons, nous devinons une joie, et quelque chose de l’ordre de l’exubérance. Il est fort à parier que, concernant le renouvellement de la pop garage, ce groupe ira loin.
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