Essai théâtral et musical de Benoît Delbecq et David Lescot, mise en scène de David Lescot, ave Irène Jacob, Ursuline Kairson, Mike Ladd, D’ de Kabal, Franco Mannara, Steve Argüelles et Eric Vernhes.
"Tout va bien en Amérique" est un essai théâtral et musical de Benoît Delbecq et David Lescot. Ce n'est pas du théâtre chanté. Encore moins une comédie musicale.
Ce spectacle pourrait être décrit comme une succession de saynètes mises en musiques qui racontent la face obscure de la construction des États-Unis depuis la découverte du continent par Christophe Colomb.
Il y a d'abord eu la soumission de peuplades indiennes pacifiques. La traite négrière. Les ouvriers, dont beaucoup d'asiatiques, qui ont construit les voies de chemin de fer. Les bordels pour les prospecteurs. La prohibition, l'installation d'un système mafieux lié au politique. La première puissance économique mondiale s'est construite dans la violence en abusant des plus faibles et des plus démunis, avant d'imposer son modèle au monde.
La puissance de Mike Ladd est toujours aussi impressionnante. Véritable animal sur scène, il raconte dans un rap en anglais l'arrivée de son aïeul sur le sol américain. D' de Kabal, avec son physique imposant, peut être aussi brutal que fin. On les avait déjà vu avec bonheur partager la scène dans "Timon d'Athènes" de Shakespeare à la Maison de la Poésie mis en scène par Razerka Ben Sadia-Lavant.
La présence de D' de Kabal comme acteur ou auteur dans un théâtre social, politique et engagé s'intensifie ces dernières années, souvent avec bonheur dans ses choix. Irène Jacob est une conteuse magnifique alliant force et émotion.
Les trois musiciens, Steve Argüelles à la batterie, Benoît Delbecq aux claviers, Franco Mannara aux guitares et la chanteuse gospel Ursuline Kairson, soutiennent l'ensemble du projet des ambiances musicales d'époque, rythmiques indiennes, gospel, jazz, scat, rock, rap... On retiendra aussi la belle prestation du guitariste Franco Mannarra en mafieux, roi des ordures.
Les créations à la lumière de Paul Beaureilles et les vidéo en direct d'Eric Vernhes habillent l'ensemble d'un écrin de modernité, créant ainsi un décalage savoureux avec la magnifique salle à l'ancienne des Bouffes du Nord. La mise en scène de David Lescot jongle malicieusement et avec élégance avec toutes ces composantes.
Lors des salutations, on s'étonne qu'au sein d'une troupe composée de tant de personnalités différentes et fortes, une telle osmose puisse exister. Mais c'est aussi une des forces de cette pièce, un théâtre innovant dans sa forme et original dans le positionnement de son propos. |