Comédie dramatique de Aïda Asgharzadeh, mise en scène de Quentin Defalt, avec Aïda Asgharzadeh, Benjamin Brenière, Matthieu Hornuss et Amélie Manet.
Des sirènes dans la nuit. C’est le début de la guerre de 14. Eugène Fontel, jeune soldat envoyé à Verdun, est défiguré par des éclats d’obus et hospitalisé au Val-de-Grâce. Son sort de "gueule cassée" croisera la route de la grande Sarah Bernhardt qui lui proposera de relever un extraordinaire défi. Présenté pour la première fois au Off d’Avignon en 2014, "Les Vibrants" fût immédiatement un immense succès et c’est fort de ses centaines de représentations tout autour du monde que le spectacle vient enfin rencontrer le public parisien. Pas évident pourtant d’imaginer une histoire dont l’essentiel de l’action se passe à l’hôpital. Aïda Asgharzadeh a néanmoins choisi de traiter du thème de ces gueules cassées de la première guerre pour écrire un sublime hymne à la vie et au théâtre. Le long apprentissage d’Eugène et son ascension grâce à la rencontre de la célèbre comédienne et par elle, celle avec le théâtre est un extraordinaire destin dont l’auteure fait une sublime partition. En scène courtes, l’histoire nous emmène à travers une ambiance volontairement sombre dans l’enfer de la guerre que la pièce dénonce avec une incontestable démonstration. Elle nous fait assister aussi à la longue remontée d’un homme au destin qu’on pensait brisé dispensant un formidable message d’espoir. Mis en scène avec une grande délicatesse, un étonnant travail corporel et le sens parfait du timing par Quentin Defalt, ce texte résonne on ne peut mieux grâce aux quatre comédiens de la Compagnie Teknaï qui livrent un époustouflant travail de troupe, changeant de personnages et de costumes à la vitesse d’un tiré de rideau. L’ingénieux dispositif de tulles blancs superposés de Natacha le Guen de Kerneizon offre un enchaînement de scènes comme des changements de plans dans une réalisation efficace aux scènes fondues ou enchaînées à la manière d’un film. Le bruit régulier des fins rideaux filant sur leurs tringles comme celui d’un train sur les rails semble porter l’action toujours vers l’avant, dans un rythme invariablement tumultueux. Aidé par une bande sonore dense de Ludovic Champagne ainsi qu’une musique d’une émouvante délicatesse de Stéphane Corbin qui placent le spectacle dans les meilleures conditions, il bénéficie également d’un formidable travail sur les lumières signé Manuel Desfeux. Les masques de Chloé Cassagnes et les costumes de Marion Rebmann achèvent de conférer à ce spectacle de superbes qualités esthétiques. Sur scène, Aïda Asgharzadeh est tour à tour une Blanche délurée et une très émouvante Sylvie. Matthieu Hornuss joue la plupart des rôles d’hommes avec de belles nuances, passant d’un colonel tyrannique au timide jeune ouvreur du théâtre avec aisance. Amélie Manet compose une Sarah Bernhardt exceptionnelle de gouaille et de d’humanité. Sa prestation est absolument remarquable. Non moins exceptionnel, Benjamin Brenière est un Eugène déchirant dont le corps exprime toute la souffrance et les yeux, le bouleversement de tout son être au contact des conseils de Sarah Bernhardt, des mots de Rostand et de l’épreuve de la scène. Tous les quatre vibrent avec une rare flamboyance. "Les Vibrants" est de ces spectacles qui vous hantent longtemps après les avoir vu et dont les images comme les mots restent conservés au plus profond du cœur. |