Pas facile quand on arrive d’un pays situé à des milliers de kilomètres de chez nous que de se retrouver face à une langue compliquée que l’on ne maîtrise pas. Pas facile non plus d’apprendre une langue à quelqu’un quand on n’a jamais enseigné de sa vie.
Sharokan, Abdullah, Suleyman, Salomon, Aldon, Ibrahim et Marie-France. Erythrée, Somalie, Soudan et Afghanistan. Les uns sont migrants, arrivés dans un centre d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile à Paris. L’autre est écrivaine, journaliste, habite dans le dix-neuxieme arrondissement de Paris et va devenir enseignante bénévole. C’est cette expérience que nous raconte le livre de Marie-France Etchegoin, J’apprends le français, publié aux éditions JC Lattès.
Cette expérience d’enseignement lui est venue de par son envie d’aider les autres. Sa proximité du centre lui donne l’envie un jour d’y pousser leurs portes pour aller les aider, avec ses propres moyens. Elle va devenir enseignante bénévole avec l’ambition que l’apprentissage du français sera une seconde naissance pour ces jeunes migrants.
Son rôle semble assez simple au départ : elle doit accueillir les migrants, leur parler pour les imprégner de notre langue. Elle va s’appuyer sur leurs histoires, différentes d’un migrant à l’autre mais avec pour point commun l’obligation de se reconstruire. Et cette reconstruction passera par notre langue. Les migrants sont nombreux, souvent cabossés et paumés par leur vie douloureuse dans leur pays d’origine. Le livre sera l’occasion pour l’auteur de nous décrire ce qu’ont pu vivre ces migrants dans leur pays et ce qui les a obligés à fuir.
De cette expérience auprès de ces jeunes migrants, Marie-France Etchegoin va apprendre de nombreuses choses sur elle-même. Elle le dit : "je pensais aider mais c’est grâce à vous que je découvre qui je suis, et donc qui nous sommes. Je suis votre professeur mais c’est vous qui me revelez le sens des mots douleur, bonheur, peur et accueil". En même temps, Marie-France Etchegoin va redecouvrir que notre langue est belle, riche et complexe à apprendre.
Le livre est construit autour d’une grosse vingtaine de chapitres qui évoque la vie des différents migrants, leur évolution au fur et à mesure de leur apprentissage du Français. Amis aussi sur les difficultés de la langue francaise : le féminin et le masculin, la conjugaison, l’orthographe et la grammaire, les néologismes et les acronymes aussi.
Il se dégage de ce charmant livre de multiples sentiments ; on prend plaisir à voir l’auteur s’évertuer à apprendre le français à ces jeunes migrants. De nombreuses émotions se dégagent au fur et à mesure que s’installe une vraie et sincère complicité entre les migrants et leur enseignante bénévole. On sourit, enfin, très souvent, au cours de cette lecture au travers de certains épisodes rigolos tournant souvent autour des difficultés d’apprentissage.
J’apprends le français est une très belle lecture, fruit de très belles rencontres faites par Marie-France Etchegoin. C’est un témoignage d’une grande sincérité qui nous pousse à réfléchir sur la façon dont on devrait accueillir ces jeunes migrants mais aussi sur la place du français dans le monde et sa formidable capacité d’intégration. Cette rencontre par les mots est donc une très belle réussite qui ne nous laisse pas indemne. |