"I thought that love made the earth turn, but not anymore, that everything that happens in the world, all the major decisions, is made by fear, it's the horror that makes the earth turn." Konstantin Gropper
"When she appeared with her walk so proudly, the beauty of my love has seduced me N' how with her gaze she enslaved me ! When she bends she's a branch that captivates And Oh ! in what troubles she puts me ! I got "no" mercy for my wail in love cause of this pain "But" (and only) from the Queen of Beauty !" Lama Bada yatathana
Cela commence presque comme du Ravel et l’on s’attend à ce que ce disque contienne nombre de sortilèges. Ils viendront rapidement avec les accents orientalisants du premier titre, "Future Ruins pt.2", en duo avec Ghalia Benali. Si Konstantin Gropper, l’homme derrière Get Well Soon, passe de l’amour à l’horreur, d’un quatrième disque pop et plutôt direct à un cinquième album retrouvant ces atmosphères capiteuses, on retrouve avec une certaine délectation son véritable talent d’écriture musicale.
Les histoires d’amour finissent mal en général, n’est-ce pas pour faire le lien entre ces deux derniers disques que Gropper fait entendre avant même sa propre voix Ghalia Benali interprétant la superbe complainte amoureuse "Lama Bada yatathana" ? C’est le contexte politique, le populisme, la montée des extrémismes qui est à l’origine du climat général de ce nouvel album.
Sur une musique d’un romantisme sombre, un délicieux poison, tenant autant à Schubert ou Schumann qu’à Scott Walker, Frank Sinatra, Herrmann ou Korngold, Gropper évoque la Syrie, Mussolini, la bataille de Verdun ou Göring et interroge nos angoisses, nos peurs et nos cauchemars. Cette pop orchestrée rappelant le son que pouvait avoir Sinatra dans les années 50, avec cette coloration sombre, ces envolées lyriques, ce Sturm und drang, cette voix de velours, ce phrasé, cette capacité d’imprégnation, cette élégance folle dans les arrangements qui donnent la chair de poule, cette force superbe qui te bouscule, diffuse un caractère fortement dramatique à sa musique.
On pourra reprocher ce manque d’exaltation présent dans Rest Now, Weary Head ! You Will Get Well Soon ou Vexations mais ce disque est porté par une autre dynamique, plus aérienne, plus lancinante, plus étrange, comme une rêverie s’ouvrant sur l’abîme. Les trois chansons "Nightmare n°1 (Collapse)", "Nightmare n°2 (Dinner at Carinhall)" et "Nightmare n°3 (Strangled)" forment le point de départ personnel de The Horror en racontant les cauchemars de Gropper, ou plutôt les parties qu'il se souvient.
Mais Gropper ne serait pas Get Well Soon s'il s’arrêtait à ses propres fantasmagories et ne capturait aussi les cauchemars de notre temps. Comme chacun de ses disques, The Horror a été créé à parts égales par l'inspiration et la recherche. Par conséquent, l'angoisse ne commence ni ne finit dans un lit, mais se trouve également l'extérieur, comme le morceau "Future Ruins pt.2". Une chanson sur les ruines, inspirée par les horreurs des théâtres de guerre actuels mais aussi passés. Et cette image de ruines imprègne l’album dans son entier. Superbe.
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